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40 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS sensible »48 – l’auteur assimile le caractère abstrait d’une norme et sa qualité de devoir-être. Il considère donc que l’abstraction est la propriété qui caractérise toute règle, générale ou non : une norme individuelle est aussi abstraite qu’une norme générale dans la mesure où elle constitue un modèle à suivre, un devoir-être. « Tout modèle, explique-t-il, est nécessairement abstrait. « Ferme la porte ! » indique un modèle de comportement (l’action de fermer la porte) et un modèle de situation (la porte fermée) ». 106. Ceci le conduit à opposer la généralité et l’abstraction. La généralité serait une « propriété quantitative », qui « a trait au nombre de sujets de la règle », qui « renvoie donc au champ d’application de la règle ». « Générale, la norme possède un nombre indéfini d’applications ; individuelle ou particulière, elle en concerne un nombre fini. » Au contraire, l’abstraction constituerait une « propriété qualitative : celle de renvoyer à un concept, à une idée ». 107. Or, d’une part, la définition qu’il donne de la généralité de la règle de droit ne correspond pas à une propriété quantitative : le caractère fini ou indéfini du nombre d’applications constitue bien une qualité de ce nombre. La généralité, dans le sens que lui accordent communément les juristes, y compris Denys de Béchillon, ne paraît donc pas quantitative mais qualitative. 108. D’autre part, il paraît plus commode, d’un point de vue terminologique, de bien distinguer abstraction et devoir-être. Les règles générales sont formulées à l’aide de termes abstraits : l’abstraction est ainsi ce qui permet la généralité. Les règles non générales, qui sont tout autant des devoir-être que les règles générales, sont rédigées à l’aide de termes concrets. Elles ont une prise directe sur la réalité. La prescription « Ferme cette porte » est certes, un devoir-être ; elle n’est ni vraie, ni fausse ; mais elle vise un objet concret – cette porte-ci, montrée du doigt, et qui appartient bien au monde des faits, de l’être, du sein – et s’adresse à un être humain, déterminé et unique. B. LES CATÉGORIES ET LES PERSONNES JURIDIQUES, INSTRUMENTS DE L’ABSTRACTION ET DE L’IMPERSONNALITÉ DES RÈGLES DE DROIT 109. L’abstraction résulte du fait que la règle de droit est formulée à l’aide de termes abstraits du langage, les catégories (1). Quant à l’impersonnalité, elle caractérise la règle qui vise un certain type de catégories que sont les personnes juridiques. Elle constitue donc une forme particulière d’abstraction, l’abstraction envisagée du point de vue des personnes (2). 1. Les catégories, universaux du langage juridique 110. Les règles de droit ont vocation à ordonner, organiser des comportements humains, qu’elles les permettent, les interdisent ou les prescrivent. C’est ce qui conduit Charles Eisenmann à affirmer que « les normes valent pour des hommes, pour des hommes seulement »49. Ceux-ci sont donc bien les desti48. Encyclopédie philosophique universelle, PUF, S. AUROUX (dir), Les notions philosophiques, t. I, « Abstrait » (définition de M. P. Vinas). 49. C. EISENMANN, « Sur la théorie kelsénienne du domaine de validité des normes juridiques », Ecrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, Textes réunis par C. Leben, Éd. Panthéon-Assas, Droit public, coll. « Les Introuvables », p. 405-412 (in Law, state and international legal order. Essays in honor of Hans Kelsen, edited by Salo engel, 1964, p. 69-69), ici p. 410.

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