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474 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS les dérogations. Ainsi Mireille Delmas-Marty plaide-t-elle pour le recours à des « principes directeurs »3, afin de parvenir à un « pluralisme ordonné ». Gérard Timsit distingue « les deux corps du droit », en opposant la loi classique, « loiréglementation (…) complète dans sa généralité, par le fait qu’elle comporte, dès l’énoncé de la norme générale, l’indication des conditions de son exécution singulière », à la loi de régulation qui « ne peut s’accomplir que dans l’édiction d’une norme singulière en dérogation, du fait de sa singularité, aux principes généraux »4. Selon le professeur Timsit, la généralité de la norme de régulation est une autre généralité que celle de la règle générale classique. Alors que celle-ci fait l’objet d’une exécution uniforme, celle-là « donne lieu à sa mise en œuvre individualisée, contextualisée à des situations dont chacune diffère de toutes les autres et entre lesquelles n’existe d’autre élément commun que celui relevant de leur concours au but poursuivi et à l’orientation définie par la norme générale »5. 1370. Cette distinction de deux normativités, deux généralités, doit être précisée. D’abord, sur le plan terminologique, l’emploi du terme « postmoderne » empêche de penser, de concevoir, ce qu’il y aura après l’ère de la postmodernité. Ensuite, l’idée d’une normativité postmoderne laisse à penser qu’il s’agit d’une normativité nouvelle. Alors que la généralité classique entraînerait nécessairement une application uniforme, la généralité postmoderne supporterait des dérogations. Pourtant, les règles générales « classiques » ont toujours supporté les dérogations. Il n’y a rien de nouveau à cela. La normativité postmoderne n’est donc pas une nouvelle normativité. Présenter la normativité postmoderne comme une solution au dilemme de l’unité et de la diversité revient à plaider pour le développement du recours à un outil classique, ancien, celui de la dérogation au sens strict du terme. Autrement dit, la normativité postmoderne signifie une décomposition accrue du pouvoir normatif. 1371. Il est vrai qu’une telle décomposition du pouvoir normatif, qui suppose l’édiction au sommet de la hiérarchie des normes, de règles très générales assorties de possibilités de dérogations, constitue une solution de compromis entre le besoin de généralité et celui de spécialisation. Mais la question devient alors politique : les autorités normatives sont-elles prêtes à abandonner une part de leur pouvoir de décision à d’autres autorités ? La tentation est grande, pour n’importe quelle autorité normative, de chercher à régler la multitude des cas concrets. Le législateur ne peut-il pas s’empêcher de descendre dans les détails de l’application des lois ? Les directives communautaires, censées laisser une marge de manœuvre aux États, ne se sont-elles pas transformées en directives inconditionnelles et précises ? La normativité d’orientation révèle vite son vrai visage : la normativité tout court. 3. M. DELMAS-MARTY, « Pour des principes directeurs de législation pénale », Rev. sc. crim. 1985, p. 25-229 ; « Réinventer le droit commun », D. 1995, chron. p. 1-4. V. aussi, du même auteur, les ouvrages : Pour un droit commun, Le Seuil, 1994 ; Le relatif et l’universel. Les forces imaginantes du droit, Le Seuil, coll. « La couleur des idées », oct. 2004 ; Vers un droit commun de l’humanité, Conversation avec Philippe Petit, éd. Textuel, coll. « Conversations pour demain », 2005. 4. G. TIMSIT, « Les deux corps du droit. Essai sur la notion de régulation », RFAP, n° 78, avr.-juin 1996, p. 375-394, p. 387. V. aussi, du même auteur : « Sur l’engendrement du droit », RDP 1988, p. 39-75 ; « Pour une nouvelle définition de la norme », DS chron. XLII, p. 267-269 ; « La régulation - La notion et le phénomène », RFAP, n° 109, 2004, p. 5-12 ; « Normativité et régulation », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21, avril-sept. 2006, Études et doctrine, La normativité, p. 84-87. 5. Ibid., p. 388. V. aussi : « Au lieu qu’elle énonce un principe général et abstrait qui donne lieu à exécution individuelle et impersonnelle, elle indique une orientation qui donne lieu à déclinaison au cas par cas ».

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