Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 470)

452 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS sur les préférences individuelles »385. L’auteur explique que l’opposition publicusprivatus apparaît pour la première fois dans une comédie du poète latin Térence, jouée de 166 à 160 av. J.-C., le Phormion. Or, dans ce texte, le jus publicum désigne la règle obligatoire pour tout le peuple romain386. 1307. Néanmoins, selon Cécile Pérès-Dourdou, « l’identification du jus publicum aux règles impératives procède d’une assimilation abusive »387. En effet, chez Cicéron388, la distinction du jus publicum et du jus privatum ne correspond pas du tout à celle des lois impératives et des lois supplétives mais repose simplement sur la source de la règle. Le jus publicum est tout simplement celui qui émane de l’autorité publique – il s’agit essentiellement des lois, lex – tandis que le jus privatum résulte de titres purement privés, tabulae, pactum conventum ou stipulatio. Pour Ulpien, le jus publicum concerne l’organisation politique et constitutionnelle de l’État tandis que le jus privatum est destiné à la seule utilité des particuliers. Mais, selon Cécile Pérès-Dourdou, cette distinction matérielle du jus publicum et du jus privatum ne recouvre pas non plus celle des règles impératives et des règles supplétives389. Par la suite, l’emploi de l’expression jus publicum par les jurisconsultes romains, afin de justifier telle ou telle solution particulière, ne sert jamais à souligner le caractère impératif des règles étudiées390 : le jus publicum est le droit public par son origine, le droit émanant de l’autorité publique. Au début de l’empire, à l’époque des Sévères, le jus publicum est un concept unitaire qui permet de légitimer la législation impériale en l’assimilant aux lois votées par les assemblées populaires sous la République. Par la suite, au IVe siècle de notre ère, le jus publicum va recevoir une acception matérielle, désignant non plus ce qui est public par son origine mais ce qui est public par son objet : il renvoie aux intérêts généraux ou sociaux pris en charge par l’État391. Mais là encore, il n’évoque pas du tout la règle impérative. 1308. L’histoire ne permet donc pas d’accréditer la thèse de l’antinomie entre le droit public et les règles supplétives. Si ces dernières sont peu nombreuses, c’est parce que les autorités qui édictent des règles générales ne souhaitent pas habiliter les autorités chargées de les appliquer à les écarter librement. Au contraire, les règles supplétives ne sont pas rares en droit privé car ce dernier, dominé par le principe de l’autonomie de la volonté, revêt un caractère bien plus consensualiste que le droit public. Il est néanmoins possible de recenser quelques règles supplétives en droit administratif. 385. C. PÉRÈS-DOURDOU, La règle supplétive, op. cit., p. 31. 386. Ibid., p. 45. L’auteur renvoie à J. GAUDEMET : « Études sur le droit et la loi », Cours de droit romain approfondi, DES, Les Cours de droit, 1949-1950, p. 179 ainsi qu’à G. CHEVRIER, « Remarques sur l’introduction et les vicissitudes de la distinction du « jus privatum » et du « jus publicum » dans les œuvres des anciens juristes français », La distinction du droit privé et du droit public et l’entreprise publique, APD 1952, p. 5 et s. 387. C. PÉRÈS-DOURDOU, La règle supplétive, op. cit., p. 58. 388. Dans son Traité des divisions de l’art oratoire, les Partitiones oratariae, (46 av. J.-C.), Cicéron distingue en effet le droit par nature du droit fondé par la loi positive. Au sein de la loi positive, il oppose le droit par écrit (jus ex scripto) et le droit sans écrit (jus sine scripto). Enfin, il divise le droit par écrit en jus publicum et jus privatum. V. C. PÉRÈS-DOURDOU, La règle supplétive, op. cit., p. 45-50. 389. C. PÉRÈS-DOURDOU, La règle supplétive, op. cit., p. 50-52. 390. Ibid. p. 53 et s. L’auteur renvoir à l’étude du romaniste italien G. NOCERA, Jus publicum (D. 2.14.38), Contributo alla ricostruzione storico-esegetica delle regulae juris, Edizioni Italiane, Roma, 1946, p. 156. 391. Ibid., p. 56-57.

Table des matières de la publication Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1

Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1