Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 465)

LA DÉROGATION AUX RÈGLES GÉNÉRALES 447 Ainsi les règles du droit du travail constituent-elles des règles impératives et non pas supplétives, mais néanmoins assorties d’une faculté de dérogation364. B. LES RÈGLES DIRECTIVES 1293. Les directives doivent être entendues dans un sens très précis, celui que propose Norberto Bobbio dans ses réflexions sur la norme et qui correspond aux directives administratives : « Ce sont des normes qui imposent au destinataire l’obligation, non de les observer, mais de les garder à l’esprit, sauf à s’en dispenser pour un motif justifié »365. En revanche, les directives européennes, en dépit de leur nom, ne font pas partie de la catégorie des règles directives, au sens où on l’entend ici. 1294. Ainsi la jurisprudence administrative a-t-elle admis, avec l’arrêt Crédit foncier de France, qu’une autorité investie d’un pouvoir discrétionnaire puisse légalement se fixer à elle-même et à ses subordonnés des directives pour la prise de décisions individuelles366. La référence à de telles directives n’entache pas la décision individuelle d’erreur de droit. La directive constitue en quelque sorte soc. 2003, p. 260 et s. ; J.-É. SCHOETTL, « La loi « Fillon I » devant le Conseil constitutionnel », LPA, 20 janv. 2003, p. 11 et s. ; T. REVET, note, RDC 2003, p. 9 et s. ; V. OGIER-BERNAUD, « Le Conseil constitutionnel et l’embarrassant « principe de faveur » », Semaine sociale Lamy, 24 févr. 2003, p. 6 et s. 364. C. PÉRÈS-DOURDOU, La règle supplétive, op. cit., p. 268. Ainsi la possibilité de déroger aux lois impératives, même s’il s’agit uniquement d’améliorer la situation des salariés, met-elle à mal l’opposition entre les règles impératives et les règles supplétives, explique Cécile Pérès-Dourdou. En outre, l’auteur souligne, à l’instar d’autres auteurs, « la généralité de l’ordre public de protection » (p. 265). En effet, en dehors du droit du travail, le droit privé multiplie aujourd’hui la possibilité pour d’améliorer, en d’autres termes d’apporter des dérogations in melius, par la voie conventionnelle, aux dispositions législatives. Par exemple, dans le domaine des baux commerciaux, les parties peuvent conférer plus de droits que le prévoient les règles d’ordre public en faveur du cocontractant protégé. Ainsi, le bail commercial ne peut avoir une durée inférieure à neuf ans mais les parties peuvent décider d’une durée plus longue (art. L. 145-4 du Code de commerce). Sur ce point : V. F. GAUDU, « L’ordre public en droit du travail », Le contrat au début du XXIe siècle, Études offertes à Jacques Ghestin, Paris, LGDJ, 2001, p. 363 et s., spéc. p. 367 ; J. MESTRE, « Rapport français, L’ordre public dans les relations économiques », dans L’ordre public, Travaux de l’association Henri Capitant, Journées libanaises, 1998, t. 49, Paris, LGDJ, 2001, p. 125 et s, spéc. p. 139. 365. N. BOBBIO, « La norme », dans Essais de théorie du droit, op. cit., p. 119 et s, ici p. 121. 366. CE, Sect., 11 déc. 1970, Crédit foncier de France c/ Dlle Gaupillat et dame Ader, Leb., p. 750, concl. Bertrand ; GAJA ; RDP 1971, p. 1224-1233, note M. Waline ; D. 1971, p. 675, note D. Loschak ; JCP 1972. II. 17232, note M. Fromont. V. aussi : CE, Sect., 13 juill. 1962, Arnaud, Leb., p. 474 et CE, 17 juill. 1925, Association amicale du personnel de la Banque de France, note Hauriou, S. 1925. III. 33 : le Conseil d’État avait considéré des lettres adressées par le gouverneur de la Banque de France à divers membres du personnel comme des décisions insusceptibles de recours mais le doyen Hauriou les avait déjà qualifiées dans sa note de directive. Il avait anticipé la jurisprudence de 1970 puisqu’il expliquait aussi que la directive ne pouvait pas être attaquée directement mais seulement par voie d’exception, à l’occasion d’un recours contre une mesure particulière en faisant application (p. 34). V. encore CE, 29 juin 1973, Société Géa ; AJDA 1973, p. 589, note Vier ; RDP 1974, p. 547, note M. Waline : le Conseil d’État a jugé que les directives, dépourvues de caractère réglementaire, ne modifiaient pas par elles-mêmes la situation juridique des intéressés toujours justiciables d’un examen particulier, et n’avaient donc pas à être publiées. Mais la loi du 17 juillet 1978 les soumet à l’obligation de publication. Sur les directives, V. J. BOULOUIS, « Sur une catégorie nouvelle d’actes juridiques : “les directives” », Recueil d’études en l’honneur de Charles Eisenmann, Paris, CUJAS, 1975, p. 191-203 ; F. CHEVALLIER, Contribution à l’étude des actes directifs, thèse dactylographiée, Paris II, 1975 ; M. CLIQUENNOIS, « Que reste-t-il des directives ? » À propos du vingtième anniversaire de l’arrêt « Crédit foncier de France », AJDA 1992, p. 3-14 ; P. DELVOLVÉ, « La notion de directive », AJDA 1974, p. 459-473 ; - H.T.C. : « De l’arrêt Société « maison Génestal » à l’arrêt

Table des matières de la publication Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1

Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1