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LA DÉROGATION AUX RÈGLES GÉNÉRALES 443 autre État dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même, les premières concernent tous les États. Vu l’importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s’agit sont des obligations erga omnes »343. La Cour donne quelques exemples d’obligations essentielles : l’interdiction de l’agression et du génocide, les principes et règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine et notamment la protection contre l’esclavage et la discrimination raciale344. Il convient par ailleurs de souligner que la Commission du droit international345 a adopté un projet en matière de responsabilité internationale des États dont l’article 19 distingue les crimes et les délits, en fonction de l’importance des droits mis en cause346. Ainsi existe-t-il en droit international une « normativité graduée »347 : les normes internationales ne sont pas toutes dotées de la même portée, de la même intensité normative. Il convient de souligner qu’en droit international, la portée et la valeur des normes sont confondues : ainsi les règles de jus cogens ont-elles à la fois une portée et une valeur juridiques supérieures. 1284. De même, en droit européen, l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme distingue deux catégories d’obligations, celles qui peuvent faire l’objet de dérogations « en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation » et d’autres obligations pour lesquelles aucune dérogation n’est autorisée. Ces dernières sont le droit à la vie, l’interdiction de la torture, l’interdiction de l’esclavage et le principe de légalité des peines. 1285. En droit français, il existe aussi des règles impératives. L’article 6 du Code civil énonce en effet qu’« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». Par exemple, si les futurs époux sont libres de déroger au régime de la communauté, ils ne peuvent convenir dans le contrat de mariage que le mari exercera seul l’autorité parentale. En effet, selon l’article 1388 du Code civil, « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle »348. Par 343. CIJ, 5 févr. 1970, affaire de la Barcelona Traction, Rec. p. 32, ici § 32. V. sur la notion de jus cogens : V. N. QUOC DINH, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 6e éd., 1999, p. 200-206. 344. Ibid., § 34. 345. Créée le 21 nov. 1947 par l’Assemblée générale des Nations unies (Résolution A/ RES/174(II)), la Commission du droit international a pour mission de favoriser le développement progressif et la codification du droit international. 346. L’article 19 § 2 définit le crime international comme un « fait internationalement illicite qui résulte d’une violation d’un État d’une obligation internationale si essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble ». Le paragraphe 3 de cet article fournit une liste de crimes internationaux : l’agression, le génocide, l’esclavage, l’apartheid, etc. La CDI considère que les obligations dont la violation constitue un crime international et les règles de jus cogens ne se recouvrent pas, les secondes étant plus nombreuses que les premières. Ainsi la règle pacta sunt servanda est-elle sans doute une règle de jus cogens mais sa violation ne constitue pas un crime international. V. N. QUOC DINH, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, op. cit., p. 745 et p. 784-786. 347. V. P. WEIL, « Vers une normativité relative en droit international ? », RGDIP 1982, p. 5-47. 348. J. CARBONNIER, Droit civil - Introduction, Paris, PUF, coll. « Thémis - Droit privé », 27e éd., 2002, p. 237.

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