Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 459)

LA DÉROGATION AUX RÈGLES GÉNÉRALES 441 § 1. LES RÈGLES IMPÉRATIVES NE SUPPORTANT AUCUNE DÉROGATION STRICTO SENSU 1277. Certaines règles, souvent qualifiées de règles d’ordre public, ne supportent aucune dérogation. Après avoir précisé les contours de cette catégorie de normes (A), il conviendra d’en donner quelques illustrations (B). A. DÉFINITION 1278. Faisons observer d’emblée que si certaines règles ne supportent aucune dérogation, cela ne signifie pas que cela durera éternellement : elles peuvent tout à fait être modifiées par une règle de valeur juridique égale ou supérieure qui introduirait une possibilité de dérogation. 1279. En outre, ces règles peuvent être assorties d’un grand nombre d’exceptions. Le mot dérogation est donc ici entendu au sens strict, pour le distinguer de celui d’exception. Il convient de souligner que les règles générales ne perdent pas leur statut de règle générale, même si en pratique, elles ne sont jamais appliquées, parce que certaines parties de leur champ d’application sont couvertes par des règles spéciales d’exception. La règle générale n’en continue pas moins d’exister et a vocation à s’appliquer dans les hypothèses non couvertes par les règles spéciales. Ainsi l’absence d’obligation de motivation des actes administratifs est-elle une règle générale même si les exceptions prévues à cette règle sont nombreuses, notamment depuis la loi du 11 juillet 1979337. Le Conseil d’État a d’ailleurs refusé de consacrer un principe général du droit qui prescrirait la motivation des décisions administratives338. 1280. Par ailleurs, il convient de préciser que la portée des règles qui ne supportent aucune dérogation peut varier en fonction du pouvoir discrétionnaire qu’elles accordent à leurs destinataires. Norberto Bobbio339 a ainsi distingué plusieurs types de normes en fonction de leur « force obligatoire ». Il oppose notamment les normes hypothétiques et les normes pragmatiques. Les premières « imposent un comportement jugé bon, non en soi, mais pour atteindre une certaine fin qui n’est pas imposée mais laissée au libre choix du destinataire (…) », tandis que les secondes, les normes pragmatiques, « représentent, en un certain sens, la catégorie inverse de la précédente ; elles établissent la fin qui doit être atteinte mais laissent le destinataire libre de choisir les moyens les plus adaptés pour y parvenir ». 1281. Si une grande part des normes juridiques sont des règles hypothétiques, il existe aussi des règles pragmatiques. Ainsi en est-il des directives européennes, dans la mesure où elles imposent aux États membres de l’Union européenne un résultat à atteindre, tout en les laissant libre du choix des moyens pour parvenir à ce résultat. Ces directives trouvent donc leur place au sommet de l’échelle d’impérativité puisqu’elles ne sont assorties d’aucune possibilité de dérogation, en dépit de la marge de manœuvre qu’elles laissent à leurs destinataires. En effet, 337. Loi n° 79-587 du 11 juill. 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, JO du 12 juill. 1979, p. 1711. 338. CE, Sect., 26 janv. 1973, garde des Sceaux c/ Lang, Leb., p. 72, préc. 339. N. BOBBIO, « La norme », dans Essais de théorie du droit, op. cit., p. 119 et s.

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