Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 435)

L’APPLICATION DES RÈGLES GÉNÉRALES 417 1207. L’annulation à effets différés. L’annulation à effets différés consiste pour le juge administratif, à décider que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure, qu’il détermine. À la différence de l’annulation abrogative, consacrée par l’arrêt Association AC ! de 2004 qui vise à préserver des situations juridiques acquises233, l’annulation à effets différés conserve son effet rétroactif et a donc plutôt pour fonction d’éviter un vide juridique. Dans l’arrêt Titran234, le requérant demandait l’annulation du refus du ministre de la Justice d’abroger deux arrêtés relatifs à la mise en œuvre dans les tribunaux de grande instance d’un système de gestion automatisée des procédures. Ces deux arrêtés étaient illégaux dans la mesure où ils n’avaient pas pris en compte, comme le prescrivait la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les réserves et conditions énoncées par la CNIL dans son avis235. Afin de pallier les inconvénients liés à une suppression totale des systèmes automatisés de traitement d’informations « nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice, le Conseil d’État diffère les effets directs de l’annulation en offrant à l’administration une option : soit compléter, dans un délai de deux mois, les arrêtés litigieux en tenant compte des réserves et conditions émises par la CNIL, soit, à défaut et passé le délai de deux mois, prononcer l’abrogation des arrêtés contestés. Le juge administratif en profite pour préciser que si le ministre de la Justice choisit la première solution, il devra prévoir, conformément à l’avis de la CNIL, « le délai maximal de conservation des données concernant les procédures pénales, les modalités de mise à jour des informations à la suite des mesures d’amnistie, de réhabilitation et de grâce et le délai de conservation des autres informations. 1208. L’annulation conditionnelle. Proche de l’annulation à effets différés, l’annulation conditionnelle peut être définie comme une annulation différée qui ne prend effet qu’à défaut d’une intervention de l’administration dans le délai fixé par le juge et en suivant les indications fournies par ce dernier afin de rendre la décision conforme à la légalité. L’administration a ainsi le choix entre « voir sa réglementation anéantie ou compléter celle-ci dans un certain délai, en suivant les indications données par le juge, pour la rendre conforme aux exigences de la légalité »236. Cette technique a été envisagée, mais finalement écartée au sein du Conseil d’État par le commissaire du gouvernement Francis Lamy dans ses conclusions sur l’arrêt Vassilikiotis de 2001237. La technique a été utilisée par le tribunal administratif d’Amiens. Dans un jugement du 24 mai 2005, le tribunal a sursis à statuer jusqu’à la date d’une prochaine audience afin de permettre à l’administration de corriger un vice de légalité interne (la méconnaissance du plan d’urbanisme) entachant un permis de construire238. 233. CE, Ass., 11 mai 2004, Association AC !, Leb., p. 197, concl. Devys ; GAJA. 234. CE, 27 juill. 2001, Titran, Leb., p. 411 ; D. 2001, IR, p. 2726 ; RFDA 2001, p. 1142 ; AJDA 2001, n° 12, chron. M. Guyomar et P. Collin, p. 1046. 235. L’article 15 de la loi de 1978 prévoit que les « traitements automatisés d’informations nominatives sont décidés par un acte réglementaire pris après avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Si l’avis de la CNIL est défavorable, il ne peut être passé outre que par un décret pris sur avis conforme du Conseil d’État ». 236. F. BLANCO, « Entre l’annulation et la conservation de l’acte », op. cit., spéc. p. 132-135, ici p. 133. 237. F. LAMY, concl. sur CE, Ass., 29 juin 2001, Vassilikiotis, Leb., p. 305-313, spéc. p. 310-311 : le commissaire du gouvernement a estimé que l’annulation conditionnelle devait être plutôt envisagée dans les cas où l’omission illégale concerne un dispositif que l’autorité compétente avait la liberté de créer ou de ne pas créer. 238. TA Amiens, 24 mai 2005, M. Dubruque et autres, req. n° 0201856, AJDA 2005, note F. Melleray, p. 2416.

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