Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 429)

L’APPLICATION DES RÈGLES GÉNÉRALES 411 1194. Tout d’abord, le juge administratif a imposé une telle obligation au pouvoir réglementaire de police, avec l’arrêt Doublet selon lequel l’autorité de police est tenue d’agir en cas de péril grave résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour l’ordre public201. Comme le fait observer Bertrand Seiller202, cette obligation semble aujourd’hui plus forte car elle apparaît en présence d’une « atteinte d’une gravité telle que [l’autorité compétente] ne pouvait s’abstenir d’y porter remède, sans méconnaître ses obligations en matière de police »203. En outre, paradoxalement, le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint sur le refus de l’administration d’exercer son pouvoir de police204 alors qu’il exerce un contrôle normal voire maximum sur les mesures d’interdictions205. Mais il semble qu’une évolution se dessine : selon Benjamin Huglo206, dans deux arrêts de 2007207, le juge administratif a opéré un contrôle maximum sur le refus de prendre une mesure réglementaire de police. Le juge opère un bilan des avantages et inconvénients que présenterait une interdiction de survol de nuit de Roissy. Néanmoins, il s’agissait d’une mesure de police spéciale, celle des nuisances aériennes. Se pose donc la question de savoir si ce contrôle du bilan, qui va dans le sens de la restriction du pouvoir d’initiative du pouvoir réglementaire, va être étendu aux refus de prendre un règlement de police générale. 1195. Ensuite, une telle obligation d’agir a également été consacrée par le Conseil d’État en ce qui concerne le pouvoir réglementaire d’exécution des lois. Ainsi, dans l’arrêt de 1962, Kevers-Pascalis, le juge a-t-il imposé au gouvernement une obligation de prendre les règlements d’exécution des lois dans un délai raisonnable208. Par la suite, le juge n’a pas hésité à utiliser le pouvoir d’injonction qui lui a été conféré par les lois du 16 juillet 1980 et du 8 février 1995209. Néanmoins, il ne va pas, en la matière, jusqu’à préciser à l’administration le 201. CE, Sect., 23 oct. 1959, Doublet, Leb., p. 540 ; RDP 1959, concl. Bernard, p. 1235 ; RDP 1960, note M. Waline, p. 802. 202. B. SEILLER, « Précisions sur l’obligation d’exercer le pouvoir réglementaire », op. cit. 203. CE, 8 juill. 1992, Ville de Chevreuse, Leb., p. 281. 204. V. s’agissant de la police administrative générale : CE, Sect., 23 oct. 1959, Doublet, Leb., p. 540 ; RDP 1959, concl. Bernard, p. 1235 ; RDP 1960, note M. Waline, p. 802 ; et s’agissant de la police spéciale : CE, 10 mars 2004, Association Promouvoir, Leb., p. 571 ; AJDA 2004, concl. S. Boissard, p. 983. 205. CE, 19 mai 1933, Benjamin, Leb., p. 541. 206. B. HUGLO, « Une nouvelle obligation : celle de bien réglementer ? », AJDA 2009, Etudes, p. 20-29, ici p. 21. 207. CE, 26 oct. 2007, Association de défense contre les nuisances aériennes (Advocnar), mentionné aux tables du Lebon ; Collectif interassociatif du refus des nuisances sonores (Cirena) ; AJDA 2008, concl. F. Lenica, p. 95 ; Rev. Env. 2007, n° 12, note P. Trouilly, p. 20. 208. CE, 13 juill. 1962, Kevers-Pascalis, Leb., p. 475 ; D. 1963, Jur., note Auby, p. 606. 209. V. notamment : CE, 28 juill. 2000, France Nature Environnement, Leb., p. 322 ; RFDA 2003, note Deffigier, p. 116 ; AJDA 2000, p. 959 ; LPA, 18 nov. 2000, note A. Laquièze : statuant sur un recours formé contre le refus implicite du Premier ministre de prendre des décrets prévus par la loi Littoral de 1986, le Conseil d’État affirme que « l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle ». Il considère que « les dispositions législatives mentionnées ci-dessus ne laissent pas à la libre appréciation du Premier ministre l’édiction du décret dont elles prévoient l’intervention ; qu’en dépit des difficultés rencontrées par l’administration dans l’élaboration de ce texte, son abstention à le prendre s’est prolongée très largement au-delà d’un délai raisonnable ; que, dans ces conditions, la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d’édicter le décret prévu par l’article 2 de la loi du 3 janvier 1986 ne peut qu’être annulée ». La Haute Juridiction enjoint, sous astreinte, au Premier ministre, de prendre les décrets prévus par la loi Littoral.

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