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24 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS § 1. LE CHOIX DE LA THÉORIE RÉALISTE DE L’INTERPRÉTATION 63. Selon la théorie réaliste de l’interprétation, la norme est le produit de l’acte de volonté qu’est l’interprétation : un énoncé devient une norme lorsqu’il est interprété comme tel par les organes d’application du droit, et plus précisément par les interprètes dits authentiques, à savoir ceux qui, comme les cours suprêmes, ont le pouvoir de dire le dernier mot117. Bien plus, ces interprètes authentiques ne se contentent pas de créer les normes, ils leur confèrent également un statut, une valeur. Ce sont eux qui décident que tel texte ou telle pratique a non seulement la signification de norme mais aussi de norme à valeur administrative, législative, constitutionnelle voire supra-constitutionnelle118. La hiérarchie normative est en ce sens « interne au discours de l’interprète »119. 64. Le raisonnement des organes d’application du droit ne peut donc être réduit à un syllogisme. La validité de la norme inférieure ne provient que de l’acte de volonté de l’organe d’application qui interprète l’énoncé. Il n’y a pas d’inférence possible de la validité. Comme l’explique le professeur Michel Troper, de la connaissance d’une norme générale telle « tous les voleurs doivent être punis de six mois de prison », on ne peut pas inférer l’existence de la norme « le voleur Dupont doit être puni de six mois de prison », l’existence de cette dernière dépendant uniquement du fait qu’un tribunal prononce effectivement cette sentence. En outre, il se peut que le tribunal prononce une sentence différente, qui sera valide dès lors qu’elle émane d’une autorité compétente120. 65. L’interprète authentique est libre : peu importe la signification qu’il attribue finalement au texte. L’interprétation étant un acte de volonté, et non de connaissance, elle n’est pas susceptible d’être vraie ou fausse. Dès lors qu’elle a un caractère authentique, c’est-à-dire dès lors qu’elle est une décision à laquelle le système juridique fait produire des effets et qui est insusceptible de recours, cette interprétation est valable121. 117. Ainsi le professeur Michel Troper a-t-il subverti la conception kelsénienne de la structure de l’ordre juridique. V. M. TROPER, « Kelsen, la théorie de l’interprétation et la structure de l’ordre juridique », Pour une théorie juridique de l’État, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 1994, p. 85-94, ici p. 86. L’article avait été originellement publié dans la Revue internationale de philosophie 1981, p. 518-529. V. aussi, du même auteur : « Fondement du caractère obligatoire et problème de la causalité en droit international », dans Réalités du droit international contemporain. Force obligatoire et sujets de droit (Actes des deuxièmes rencontres de Reims : C.E.R.I.), Publications de la faculté de droit de Reims, 1974, p. 41. Pour une critique de cette subversion de la conception kelsénienne de l’ordre juridique, v. D. DE BÉCHILLON, « L’ordre de la hiérarchie des normes et la théorie de l’interprétation », RRJ 1994-1, p. 252-266 ; et la réponse de M. Troper : « Réplique à Denys de Béchillon », RRJ 1994-1, p. 267-274. 118. V. par exemple : M. TROPER, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supralégalité constitutionnelle », Pour une théorie juridique de l’État, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 1996, p. 296 ; « L’interprétation constitutionnelle », L’interprétation constitutionnelle, sous la dir. de F. Mélin-Soucramanien, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2005, p. 13-25, ici p. 24. V. aussi : P. BRUNET, « Irrationalisme et anti-formalisme : sur quelques critiques du syllogisme normatif », op. cit., p. 216. 119. M. TROPER, « Réplique à Denys de Béchillon », op. cit., ici p. 269. 120. M. TROPER, La philosophie du droit, op. cit., ici p. 120. 121. V. notamment : M. TROPER, « Le problème de l’interprétation et la théorie de la supralégalité constitutionnelle », op. cit., p. 293-315, p. 305.

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