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L’APPLICATION DES RÈGLES GÉNÉRALES 383 comme l’explique le professeur Riccardo Guastini, on peut globalement considérer que, pour les juristes modernes, un principe est toute norme qui présente deux caractères : c’est à la fois une « norme fondamentale » et une « norme structurellement indéterminée »82. Leur fondamentalité leur confère une valeur juridique supérieure dans la hiérarchie des normes tandis que leur indétermination amoindrit leur portée. 1107. En effet, selon la formule de Ronald Dworkin, « les règles sont applicables dans un style tout-ou-rien »83. En d’autres termes, elles ont des conséquences juridiques précises. Ainsi en est-il, par exemple, de la règle selon laquelle les actes administratifs ne doivent pas être rétroactifs, ou encore de celle qui interdit de licencier les femmes enceintes84. En revanche, les principes ont une signification moins précise, ambivalente. Ils « ne présentent pas de conséquences juridiques qui en découlent automatiquement quand les conditions sont remplies »85. Par exemple, le principe d’égalité peut permettre d’invalider une règle qui établit une discrimination entre certaines catégories de personnes mais ce n’est pas systématique : il peut aussi être interprété comme autorisant certaines discriminations justifiées par une différence de situation. 1108. La distinction est utilisée chez le professeur Ronald Dworkin non pas pour rendre compte de solutions du droit positif mais pour soutenir que même dans les cas difficiles, où la solution ne peut être mécaniquement déduite d’une règle, il existe une « bonne réponse » qui peut être déduite des principes. Or, toujours selon Dworkin, les principes ne sont pas créés par le juge mais induits du droit existant. 1109. Cette distinction, au sein des normes, entre les principes et les règles, n’emporte pas de conséquence sur le plan du droit positif. Certes, l’article 34 de la Constitution prévoit pour certaines matières que la loi « fixe les règles » (al. 2 et 3 de l’art. 34), et pour d’autres, qu’elle « détermine les principes fondamentaux » (al. 4). Néanmoins, le Conseil constitutionnel n’attache aucune conséquence juridique à cette distinction86. Il a en effet adopté une interprétation très extensive des principes fondamentaux87. 82. R. GUASTINI, « Les principes de droit en tant que source de perplexité théorique », dans Les principes en droit, sous la dir. de S. Caudal, Paris, Economica, 2008, p. 113-123. 83. R. DWORKIN, Prendre les droits au sérieux, « Le modèle des règles I », PUF, coll. « Léviathan », 1995, p. 82. 84. Ces exemples permettent en outre de montrer que la distinction des règles et des principes de Ronald Dworkin ne se veut pas une simple description du droit positif : certaines normes sont qualifiées par les autorités normatives de principes et correspondent à la définition dworkinienne des règles, et inversement. Ainsi la non-rétroactivité des actes administratifs et l’interdiction de licencier les femmes enceintes sont qualifiés par le juge administratif de principes généraux du droit (CE, Ass., 25 juin 1948, Société du Journal l’Aurore, Leb., p. 289 ; GAJA ; CE, Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet, Leb., p. 406) mais constituent des règles au sens dworkinien du terme. 85. Ibid., p. 83. 86. Sur ce point, v. notamment : A.-G. COHEN, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au domaine de la loi d’après l’article 34 de la Constitution », RDP 1963, p. 745-748 ; F. VINCENT, « De l’inutilité de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 », AJDA 1965, p. 564-576. 87. En matière de sécurité sociale, le Conseil constitutionnel a affirmé que par « principes fondamentaux », il fallait entendre non seulement les principes généraux de la sécurité sociale mais aussi ceux applicables aux différents régimes particuliers de prévoyance (CC, décision n° 60-6 L du 8 juill. 1960, JO du 2 août 1960). Il a également estimé que le législateur était seul compétent pour déterminer « les catégories de personnes assujetties à l’obligation de cotiser, ainsi que le partage de

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