Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 392)

374 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 1080. Surtout, si le Conseil constitutionnel se reconnaît compétent pour apprécier la constitutionnalité d’une loi déjà promulguée « à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine », il refuse de le faire à l’occasion d’une loi qui en fait simplement application. La loi de prorogation bénéficie ainsi d’une immunité juridictionnelle42. Comme le souligne Claude Franck, « la prorogation par la loi du décret déclarant l’état d’urgence, qui avait été conçue comme une garantie pour les citoyens, aboutit à ce paradoxe de faire disparaître la protection juridictionnelle qui existait à l’encontre de ce décret ! »43. B. LA SPÉCIFICITÉ DES RÈGLES PRISES POUR L’APPLICATION DE RÈGLES GÉNÉRALES 1081. Les règles prises pour l’application de règles générales soulèvent des questions qui leur sont propres, ce qui atteste de l’utilité de les distinguer des autres règles d’application. 1082. En effet, le juge administratif estime que s’agissant des mesures d’application de dispositions législatives, les dispositions législatives nouvelles entrent en vigueur immédiatement sauf si leur application est « manifestement impossible ». De nombreuses règles restent inapplicables tant que leurs modalités d’application n’ont pas été déterminées44. Le décret d’application constitue ainsi une « norme paradoxale » : s’il apparaît d’abord comme un « appendice de la loi, vivant sous sa dépendance »45, il possède en réalité une importance essentielle, puisque c’est souvent de lui dont dépend l’entrée en vigueur de la loi. Il acquiert ensuite une autonomie certaine dans la mesure où il survit à la loi dont il procède, tant qu’il n’est pas incompatible avec la législation nouvelle46. 42. CC, décision n° 85-187 DC, 25 janv. 1985, État d’urgence en Nouvelle-Calédonie, op. cit. : « Considérant que, si la régularité au regard de la Constitution des termes d’une loi promulguée peut être utilement contestée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, il ne saurait en être de même lorsqu’il s’agit de la simple mise en application d’une telle loi ; que, dès lors, les moyens développés par les auteurs de saisines ne peuvent être accueillis ». V. aussi : CC, décision n° 83-162 DC, 19-20 juill. 1983, Démocratisation du secteur public, JO du 22 juill. 1983, p. 2267 : « Considérant que le troisième alinéa ajouté à l’article L 432-5 du Code du travail par l’article 35 de la loi est ainsi rédigé : “Toutefois, dans les sociétés mentionnées à l’article 1er de la loi relative à la démocratisation du secteur public, à l’exception de celles qui figurent aux annexes II et III de ladite loi, la représentation du comité d’entreprise auprès du conseil d’administration ou de surveillance est assurée par le secrétaire du comité d’entreprise ou de l’organe qui en tient lieu” ; considérant que les députés auteurs de l’une des saisines reprochent à ces dispositions d’instituer, dans la matière qu’elles traitent, une dérogation concernant les entreprises figurant aux annexes II et III de la loi, dérogation qui serait contraire au principe d’égalité ; considérant que la dérogation ainsi critiquée n’est que la conséquence du régime spécial établi par la loi pour les entreprises figurant aux annexes II et III, dont la conformité à la Constitution a été plus haut reconnue par la présente décision ; qu’ainsi la critique faite à l’article 35 ne saurait être retenue ». 43. C. FRANCK, obs. JCP G 1985. II. 20355. 44. CE, 30 avr. 1931, Philip, Leb., p. 455 ; CE, Ass., 18 févr. 1947, Société de secours mutuel en cas de décès des fonctionnaires et employés de l’institut d’assurances sociales d’Alsace et de Lorraine, Leb., p. 150 ; CE, Sect., 10 janv. 1958, Bourgin, Leb., p. 25 ; CE, Ass., 10 mars 1961, Union départementale des associations familiales de la Haute-Savoie, Leb., p. 172 ; CE, Ass., 1er juin 1967, Monod, Leb., p. 256 ; CE, 17 févr. 1971, Ministre de la Santé publique c/ Union pharmaceutique des sociétés mutualistes de la Haute-Garonne, Leb., p. 33 ; CE, 12 mars 1975, Sébé, Leb., p. 185 ; CE, 21 mars 2008, Société Mégaron, req. n° 310173, mentionné aux tables du Lebon. 45. R. LIBCHABER, « Le décret d’application, norme paradoxale », RTD civ. 1998, p. 788-792, ici p. 790. 46. Crim., 16 oct. 1996, Bull. crim. n° 367, p. 1075 ; CE, 16 avr. 1943, Lanquetot, S. 1943. III. 41, concl. Léonard, note R. Malézieux. http://www.42.CC

Table des matières de la publication Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1

Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1