Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 351)

LA PLACE DES RÈGLES GÉNÉRALES DANS LA HIÉRARCHIE DES NORMES 333 tertiaire correspond à celle des actes de base et des actes d’exécution89 et sert de principe de hiérarchisation entre les normes de droit dérivé90. 976. Dépourvus de hiérarchie organique, les droits international et communautaire ont trouvé une autre clef de hiérarchisation normative : le concept d’exécution. Or, le critère organique trouve aussi ses limites en droit interne. 2. La pertinence du concept d’exécution au sein du droit interne 977. En droit public français, le critère organique et formel présente des limites importantes que n’a pas manqué de souligner la doctrine91 : qu’est-ce qu’un organe de l’État ? Le principe de séparation des pouvoirs n’est-il pas incompatible avec le principe d’une hiérarchie des organes de l’État ? Si le législateur est le supérieur de l’administration et du juge, pourquoi le Conseil constitutionnel prohibe-t-il les validations législatives a posteriori d’actes administratifs annulés ? Le critère organique peut-il expliquer la supériorité des règlements du Premier ministre sur ceux des ministres alors que justement la jurisprudence administrative affirme que celui-là n’est pas le supérieur hiérarchique de ceux-ci92 ? Peutil également expliquer que certaines normes émises par le Gouvernement ou le président de la République, telles que les ordonnances prises en vertu des articles 38 et 92 ou les décisions édictées dans le cadre de l’article 16, aient valeur de loi ? Quelle place dans la hiérarchie des organes les autorités administratives indépendantes ou les personnes privées chargées de la gestion d’un service public occupent-elles ? Si le critère formel justifie qu’un décret délibéré en Conseil des ministres ait une valeur supérieure à celle d’un décret simple, comment déterminer le rang des décrets qui sont codifiés93 ? etc. 89. C’est la CJCE qui a opéré cette dichotomie entre les normes de base et les normes d’exécution. V. CJCE, 17 déc. 1970, Köster, aff. 15/70, Rec. p. 1161. 90. Ibid., p. 431 et s., spéc. p. 432 : « C’est la problématique et le principe de l’exécution qui tendent à fonder et à expliquer les rapports internormatifs du droit dérivé » ; p. 458 : « L’exécution constitue le principe (…) qui contribue puissamment à étager les normes puisqu’elle postule que les actes exécutifs sont pris sur la base d’actes législatifs. (…) L’exécution normative est donc le moteur, la cause de structuration des règles, mais en même temps le facteur explicatif ». 91. J. MOREAU, Droit administratif, Paris, PUF, coll. « Droit fondamental », 1989, p. 524 et s., spéc. p. 528 : « insuffisances du critère organique » : l’auteur souligne notamment qu’« à côté des administrations classiques, il existe de nombreuses structures à caractère technique ou professionnel et même des autorités administratives indépendantes » qui rendent partiellement inutilisable la notion de hiérarchie. Ainsi, lorsque le législateur attribue un pouvoir réglementaire à l’Office des Changes ou aux ordres professionnels, devient-il très difficile de situer les actes pris en vertu de ces délégations de pouvoir par rapport aux paliers successifs de l’organigramme habituel ». V. aussi : J.-L. QUERMONNE, L’évolution de la hiérarchie des actes juridiques en droit public français, op. cit., p. 250 et s. : l’auteur préfère le critère organique au critère matériel. Toutefois, il est forcé de constater que la hiérarchie des organes semble aujourd’hui faire défaut : l’ordonnance rationnelle des organes de l’État a fait place à une croissance désordonnée d’autorités multiples. (…) La hiérarchie des normes n’est plus aujourd’hui qu’un mythe. Par le fait même, le critère organique ne suffit plus à rendre compte de la hiérarchie des actes juridiques ». V. encore : D. DE BECHILLON, dans sa thèse, se donne pour ambition de dépasser le critère organique et formel de la hiérarchie des normes, se proposant de démontrer que la hiérarchie des normes correspond non seulement à un hiérarchie des organes mais plus globalement à une hiérarchie des fonctions normatives de l’État (D. DE BÉCHILLON, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’État, op. cit.). 92. CE, Sect., 12 nov. 1965, Compagnie marchande de Tunisie, Leb., p. 602 ; AJDA 1966, II, p. 167, concl. N. Questiaux. 93. V. X. BRAUD, note sous CE, 19 juin 2006, Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de la Vendée et autres, req. n° 266435, mentionné aux tables du Lebon, AJDA 2006, p. 2015-2019.

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