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16 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 42. Tout le droit est donc contenu dans les règles générales. De là, résulte l’idée que la règle est par essence générale. L’expression « règle générale » est une tautologie, celle de « règle individuelle », un oxymore. B. LA CONCEPTION INDUCTIVE DU RAISONNEMENT JURIDIQUE : L’APPLICATION DU DROIT, ACTE DE CONNAISSANCE DES RÈGLES GÉNÉRALES INSCRITES DANS LA RÉALITÉ SOCIALE 43. Le positivisme légaliste est parvenu à son apogée au temps où la société du XIXe siècle était relativement statique et où les codes pouvaient apparaître comme complets et immuables. Mais le droit étatique se révèle insuffisant pour régir la nouvelle société issue de la Révolution industrielle. Les juristes proposent alors d’extraire de l’histoire et des faits sociaux les solutions des cas d’espèce. La loi formelle n’est que la manifestation d’une « vraie » norme dont la véritable origine réside dans la nature des choses, ou plus largement, dans la réalité sociale : « Tout n’est donc pas contenu dans la norme générale, contrairement au modèle déductif, et le juge finit par se voir accorder un pouvoir que le modèle déductif lui refusait »84. 44. La première réaction au modèle rationaliste issu de la pensée des Lumières naît en Allemagne avec l’École historique du droit, qui défend l’idée que le droit, enraciné dans l’histoire des peuples, est le fruit d’une lente élaboration collective, rebelle à toute entreprise de codification85. Néanmoins, celle-ci réhabilite très Common Law, une doctrine de la codification. Dans le cadre de sa censorial jurisprudence, Bentham s’attaque à Blackstone, selon lequel les jugements ne font que donner une preuve de la common law. Bentham affirme au contraire qu’ils la constituent, et, ce faisant, s’écarte de la théorie du syllogisme judiciaire. Il reconnaît donc le pouvoir normatif du juge, mais pour le rejeter : il n’admet pas la confusion de l’activité juridictionnelle (adjudication) et de la législation. Bentham souhaite en effet que les décisions juridictionnelles puissent être prévisibles et refuse un système de libre recherche au cas par cas. Ceci le conduit à promouvoir la codification, seule à même de permettre le plus grand bonheur du plus grand nombre. C’est d’ailleurs lui qui a inventé le terme de codification (V. G. TUSSEAU, Jeremy Bentham et le droit constitutionnel. Une approche de l’utilitarisme juridique, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques Politiques », 2001, p. 216 ; D. BARANGER, « Bentham et la codification », Droits, 27, 1998, p. 17-37). Dans son ouvrage Of Laws in General, il ambitionne ainsi de « poser les fondations pour le plan du corps complet de droit » (cité par G. TUSSEAU, op. cit., p. 217), afin que le droit puisse enfin être accessible aux citoyens. Bentham estime donc nécessaire la codification ainsi que la limitation maximale du pouvoir du juge, afin d’assurer la certitude du droit. Toutefois, Bentham promeut un code vivant, soumis en permanence à l’épreuve de l’utilité : le code doit en effet être révisé dès lors que ses destinataires – juges, fonctionnaires, citoyens – le considèrent inutile. En principe, la révision du code nécessite l’intervention du législateur. Toutefois, le juge participe au processus de révision, indirectement, en suggérant des modifications au législateur, et même directement, dans la mesure où Bentham admet qu’il puisse adapter le code aux circonstances. Ainsi, « il y a une tension entre Bentham le législateur et Bentham l’adjudicateur » (M. LOBBAN, The Common Law and English Jurisprudence, Oxford Clarendon Press, 1991, p. 151, cité par D. BARANGER, op. cit., p. 33), de telle sorte que la théorie de Bentham apparaît comme « un positivisme alimenté par la raison utilitariste » (D. Baranger, op. cit., p. 33). Denis Baranger (op. cit., p. 25) souligne qu’ « un hiatus est perceptible, dans sa pensée entre deux tendances », l’une rationaliste, qui se manifeste dans l’affirmation de la complétude du code, l’autre, pragmatique, qui transparaît dans l’idée que le code est une œuvre perfectible, sans cesse soumis à l’épreuve de l’utilité. 84. P. BRUNET, « Irrationalisme et anti-formalisme : sur quelques critiques du syllogisme normatif », Droits, n° 39, 2004, p. 197, ici p. 198. 85. L’historicisme allemand apparaît nettement dans la querelle qui oppose Thibaut et Savigny. Thibaut pensait qu’il fallait unifier toutes les lois en vigueur dans les divers États allemands et les fondre dans un seul code. Savigny s’oppose à Thibaut en 1814 dans un célèbre opuscule, qui

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