Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 338)

320 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS d) Les normes jurisprudentielles 937. Le juge crée des règles générales et en même temps, admet des dérogations ou des exceptions à ces règles. Les exemples sont nombreux. Ainsi le Conseil d’État a-t-il consacré la règle selon laquelle le conseil municipal doit siéger à la mairie dans un arrêt Rossi du 19 décembre 193031. Par la suite, il a admis qu’il puisse être « dérogé, à titre exceptionnel, au principe suivant lequel le conseil municipal doit se réunir et délibérer à la mairie de la commune », par exemple en cas de travaux d’agrandissement de la mairie32. S’agissant de la norme prescrivant la non- rétroactivité des décisions administratives, la Haute Juridiction reconnaît que l’administration peut « en dérogation à cette règle générale » prendre des décisions rétroactives pour assurer la continuité de la carrière de l’agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. S’il prend soin de bien les circonscrire en utilisant la forme négative – « l’administration ne peut (…) leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour (…) », le juge crée bel et bien ces dérogations33. Dans l’arrêt Association AC !, le Conseil d’État habilite le juge administratif à décider qu’« il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses »34. Il s’agit bien d’une règle spéciale jurisprudentielle dérogeant à un principe également jurisprudentiel même si là encore la Haute Juridiction prend beaucoup de précautions pour affirmer l’existence de cette dérogation puisque c’est seulement « à titre exceptionnel » et après avoir recueilli les observations des parties et opéré un bilan des avantages et inconvénients, que cette dérogation peut être décidée. 938. Si une autorité normative peut déroger par des règles spéciales aux règles générales qui ont, en vertu du critère organique, une valeur juridique égale ou inférieure, elle doit toujours respecter les règles générales de valeur supérieure. 2. L’illégalité des dérogations aux règles générales de valeur supérieure 939. L’attachement du droit français à la hiérarchie organique des normes se traduit par la censure juridictionnelle des dispositions contraires aux règles générales édictées par une autorité occupant un rang supérieur dans la hiérarchie des organes (a). Ceci étant, les autorités normatives de rang inférieur peuvent déroger à des règles générales de valeur supérieure dès lors qu’elles sont spécialement habilitées à le faire par une règle juridique de valeur supérieure (b). Les dérogations jurisprudentielles méritent une attention particulière (c). a) La censure juridictionnelle des atteintes aux règles générales de valeur supérieure 940. Les autorités normatives inférieures doivent respecter les règles générales qui ont une valeur supérieure dans la hiérarchie des normes en vertu du 31. CE, Sect., 19 déc. 1930, Sieurs Rossi et autres, T. Leb., p. 1080. 32. CE, 1er juill. 1998, Préfet de l’Isère, req. n° 187491, mentionné aux tables du Lebon. Depuis, la loi n° 2007-1787 du 20 déc. 2007 relative à la simplification du droit (JO n° 0296 du 21 déc. 2007 p. 20639, art. 21) a ajouté un alinéa à l’art. L. 2121-7 du Code général des collectivités territoriales selon lequel « Le conseil municipal se réunit et délibère à la mairie de la commune. Il peut également se réunir et délibérer, à titre définitif, dans un autre lieu situé sur le territoire de la commune, dès lors que ce lieu ne contrevient pas au principe de neutralité, qu’il offre les conditions d’accessibilité et de sécurité nécessaires et qu’il permet d’assurer la publicité des séances ». Le législateur est donc intervenu pour consacrer à la fois le principe et l’exception. 33. CE, 15 nov. 2006, req. n° 277146, inédit au Lebon. 34. CE, Ass., 11 mai 2004, Association AC !, Leb., p. 197, concl. Devys.

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