Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 337)

LA PLACE DES RÈGLES GÉNÉRALES DANS LA HIÉRARCHIE DES NORMES 319 935. Du point de vue de la dimension matérielle du champ d’application des normes, on peut citer l’arrêt du 23 octobre 1974, Valet, dans lequel le Conseil d’État affirme que l’arrêté attaqué qui a pour objet de fixer, après concertation avec la profession, le régime de prix applicable par les détaillants en viande de boucherie « a la même force juridique que l’arrêté du 29 novembre 1968, émanant aussi du seul ministre de l’Économie et des Finances » et que, le ministre « a, dès lors, pu légalement déroger aux règles générales du régime dit de liberté conventionnelle des prix que cet arrêté antérieur [l’arrêté du 29 novembre 1968] avait fixées »26. Dans un arrêt du 24 mars 1978, Société pour l’étude et l’aménagement de la nature en Lot et Garonne, la Haute Juridiction administrative considère que « si la société requérante soutient que l’arrêté attaqué aurait méconnu les dispositions de l’arrêté réglementaire permanent sur la chasse en Lot-et-Garonne, le ministre de la qualité de la vie, a pu légalement, par l’arrêté attaqué, modifier, en ce qui concerne la chasse de la grive et du merle, l’arrêté réglementaire permanent qu’il avait pris antérieurement »27. De même, le juge administratif valide le fait que les auteurs d’un plan d’urbanisme aient, pour une même zone, « édicté des règles spécifiques applicables à l’extension des constructions existantes à la date d’approbation de ce plan et dérogeant aux règles d’emprise figurant à l’article NB 9 »28. 936. Le Conseil d’État admet également la validité de règles spéciales dérogeant aux règles générales du point de vue temporel. Dans l’arrêt du 25 juin 1954, Syndicat national de la meunerie à seigle, il s’agissait d’un décret du 22 mars 1947 qui avait fixé les conditions dans lesquelles serait valable le prix du seigle de 1947 à 1952 ; mais avant même l’expiration de cette période, un décret du 5 février 1951 décida d’établir d’autres règles pour la campagne 1950-1951. Le Conseil d’État juge que ce décret « signé par les mêmes autorités que le décret du 22 mars 1947 et ayant le même caractère que celui-ci » avait pu légalement décider que, pour une campagne déterminée, « le prix du seigle serait fixé selon des règles différentes de celles prévues par le décret du 22 mars 1947 »29. Le principe de mutabilité des règlements prévaut même si le premier décret fixait lui-même sa durée d’application. L’autorité réglementaire ne peut pas se lier pour l’avenir. Le commissaire du gouvernement Jean Donnedieu de Vabres conclut par ces mots : « En dehors de la hiérarchie de l’autorité et des règles de forme, il n’existe pas dans notre droit d’obstacle possible à la mutabilité du pouvoir réglementaire »30. 26. CE, 23 oct. 1974, Valet, Leb., p. 500 ; AJDA 1975, p. 363, note C.-L. Vier. V. C.-L. VIER, note sous l’arrêt, op. cit., ici p. 365 : « Il s’agit en effet de deux actes de même nature réglementaire, pris par la même autorité et selon la même procédure. Dès lors l’arrêté attaqué peut légalement déroger aux dispositions antérieures, même si elles sont au fond plus générales. Ainsi le ministre des Finances dispose-t-il non seulement d’une compétence exclusive, mais d’une compétence discrétionnaire au point de pouvoir méconnaître les règles qu’il fixe lui-même. Il y a là une confusion entre le pouvoir de prendre les mesures générales et celui de les appliquer qui est certes prévue par les textes – adoptés aux temps de l’économie de guerre et de pénurie – mais qui paraît aujourd’hui exorbitante ». 27. CE, 24 mars 1978, Société pour l’étude et l’aménagement de la nature en Lot et Garonne, Leb., p. 157. 28. CE, 11 janv. 2006, Roptin, Leb., p. 14. 29. CE, 25 juin 1954, Syndicat national de la meunerie à seigle, Leb., p. 379, concl. J. Donnedieu de Vabres, D. 1955, p. 49. V. aussi : CE, 28 oct. 1955, Sieur Deleau et autres, Leb., p. 501 : le décret du 30 juill. 1952 fixant le prix et les modalités de paiement, de stockage et de rétrocession des céréales pour la campagne de 1952-1953 « a pu légalement déroger aux règles fixées par les décrets du 22 mars 1947 et 1er octobre 1948 ». 30. J. DONNEDIEU DE VABRES, concl. sur CE, 25 juin 1954, Syndicat national de la meunerie à seigle, Leb., p. 379, D. 1955, p. 49, ici p. 51.

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