Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 329)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 311 913. En définitive, la différence de finalité n’est pas un véritable critère permettant d’identifier deux législations indépendantes mais plutôt un argument qui permet au juge de justifier l’application simultanée de deux séries de règles, alors que l’application du critère de spécialité aurait conduit à substituer la législation spéciale à la législation générale. Le recours à la technique du faisceau d’indices développée par Bruno Genevois permet tout simplement d’établir l’existence de deux législations différentes mais ne résout pas la question de savoir si ces deux législations s’appliquent simultanément de façon indépendante ou si l’une exclut l’application de l’autre. C’est donc bien, comme l’affirme finalement Alain Laquièze, en fonction de « considérations pratiques » que se prononce le juge. Très simplement, après avoir constaté, grâce à la technique du faisceau d’indices, qu’il existe deux législations différentes dont les champs d’application se superposent partiellement, le juge affirmera leur indépendance, en la justifiant par leur finalité distincte, s’il estime que la législation plus générale ne doit pas être écartée par l’existence d’une législation spéciale. *** 914. L’adage lex specialia generalibus derogant ne rend pas compte de toute la complexité des rapports entre les règles générales et les règles spéciales. 915. D’une part, l’absence de systématisation d’ensemble des catégories juridiques peut rendre assez aléatoire la détermination des règles générales et des règles spéciales, en laissant place à une subjectivité certaine des autorités normatives. En effet, le juge établit souvent un lien de spécialité entre des normes dont les champs d’application ne sont pas imbriqués mais ne font que se croiser. À l’inverse, il est amené à nier l’existence de règles spéciales et à considérer des normes comme indépendantes alors même qu’elles paraissaient bien entretenir un rapport d’espèce à genre. 916. D’autre part, l’établissement d’un rapport de spécialité peut se traduire non seulement par l’application exclusive de la règle spéciale mais aussi par l’application cumulative ou encore alternative de la règle générale et de la règle spéciale. Le régime censé découler de la qualification de deux règles de générale et de spéciale, l’une au regard de l’autre, ne peut donc pas être réduit à l’adage lex specialia generalibus derogant, puisqu’une telle qualification n’a pas une seule mais trois issues possibles. En l’absence de conflit entre les deux règles, le rapport de spécialité donne lieu à l’application cumulative de la règle générale et de la règle spéciale, celle-ci étant prise en application de celle-là. En cas de conflit, l’identification d’un rapport de spécialité peut conduire non seulement à l’application exclusive de la règle spéciale aux dépens de la règle générale, mais aussi à l’application alternative de l’une et de l’autre. Cette dernière se justifie par le fait ou bien que les deux règles ou les deux séries de règles, l’une spéciale, l’autre générale, ne sont pas considérées comme équivalentes ou bien qu’elles poursuivent des finalités distinctes. 917. Le juge administratif se révèle dans l’ensemble soucieux de préserver l’intégrité des règles générales puisque lorsqu’il établit l’existence d’un conflit entre une règle générale et une règle spéciale, il choisit très souvent l’application alternative et non pas exclusive. Et, même lorsqu’il opte pour l’application exclusive de la règle spéciale, il ne confère pas à la dérogation un effet définitif : la règle spéciale ne fait jamais disparaître, même partiellement, la règle générale de

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