Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 327)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 309 construire136. Les deux autorisations ne forment pas une opération complexe qui rendrait recevable l’exception d’illégalité. Pourtant, dans ses conclusions sur l’arrêt de 1982, Société Angelica-Optique Centraix, Bruno Genevois reconnaît bien que « les deux types de décisions qui sont ici en cause sont justiciables de deux législations distinctes (…), l’une à vocation spéciale, d’apparition récente, qui a son siège dans les articles 29 et suivants de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat, (…) l’autre à vocation plus générale, plus ancienne, qui a son siège dans le code de l’urbanisme »137. Ici encore, le rapport de spécialité entre les deux législations – urbanisme et urbanisme commercial – n’exclut pas l’indépendance de l’une et de l’autre. On aurait tout de même pu penser que l’autorisation spéciale délivrée en vertu de la loi de 1973 dispensait le demandeur d’un permis de construire, les deux autorisations concernant une même construction. Or, en 1973, le législateur a lui-même déterminé la teneur du rapport entre les deux législations : il a expressément prévu que l’absence d’autorisation de la commission départementale d’urbanisme commercial fait obstacle à la délivrance du permis de construire, ce qui signifie a contrario que la construction d’un centre commercial nécessite les deux autorisations. En tout cas, on voit très bien ici que les éléments tenant à l’étendue respective des champs d’application des deux législations n’ont aucune importance. 907. Bruno Genevois démontre l’indépendance des législations grâce à un faisceau d’indices : « les autorités compétentes pour se prononcer ne sont pas les mêmes », « les règles de procédure applicables ne sont pas identiques », « les motifs de refus sont différents », « les voies de recours ouvertes aux intéressés sont distinctes », « les sanctions encourues n’ont pas la même gravité ». 908. Or, mis à part celui des motifs de refus qui témoigne de la différence de finalité de la législation, ces indices ne constituent pas du tout des critères excluant le rapport de spécialité : justement, l’existence d’une législation spéciale se justifie par le besoin de règles différentes concernant la procédure, les sanctions, les voies de recours, etc. Ces indices permettent uniquement de révéler l’existence de deux législations différentes mais pas de trancher la question de savoir si ces deux législations doivent s’appliquer en même temps, de façon indépendante, ou bien si l’une doit s’appliquer à l’exclusion de l’autre, considérée comme générale. 909. Ainsi le principe d’indépendance des législations entre-t-il en jeu chaque fois que deux législations dont les champs d’application se superposent ont des finalités distinctes. Il ne s’agit donc pas d’une indépendance des champs d’application mais simplement d’une indépendance d’application. 910. Par ailleurs, dans l’arrêt Société Guyenne et Gascogne, le Conseil d’État a admis qu’en dépit de l’existence d’une législation d’urbanisme commercial soumettant à une autorisation particulière l’implantation de commerces en détail au-delà d’un certain seuil de surface commerciale, les plans d’occupation des sols pouvaient interdire dans certaines zones l’implantation de surfaces commerciales inférieures à ce seuil138. La Haute Juridiction fait donc prévaloir la législation générale d’urba136. CE, Sect., 17 déc. 1982, Société Angelica-Optique Centraix et autre, Leb., p. 419, concl. B. Genevois ; AJDA 1983, p. 330, note F. Bouyssou. Sur ce sujet, V. J.-F. JOYE, « Intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général », AJDA 20/2007, p. 1063-1071. 137. Ibid., p. 426. 138. CE, 7 mai 1986, Société Guyenne et Gascogne ; AJDA 1986, p. 523-524, note F. Bouyssou. Par ailleurs, l’art. L. 122-1-9, C. urb., issu de la loi du 12 juill. 2010 dite Grenelle 2, prévoit désormais que le schéma de cohérence territoriale comporte obligatoirement un document d’aménagement

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