Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 325)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 307 par le fait que les règles spéciales ont pour objet de garantir le pluralisme alors que les règles de droit commun ont pour objectif de préserver les intérêts économiques des consommateurs. Comme le soulignent les chroniqueurs de l’AJDA, « la distinction des législations par leur objet128 permet de balayer le principe specialia generalibus derogant, qui devient inopérant » : « Ces deux régimes assurent en réalité la protection de deux libertés complémentaires : celle de la société éditrice sous l’angle de la protection de la liberté de la presse ; celle de ses concurrents sous l’angle de la protection du bon fonctionnement du marché ». 2. L’application indépendante de la police administrative générale et d’une police spéciale 903. En cas de concours entre une police administrative générale et une police administrative spéciale, la seconde n’exclut pas toujours l’exercice de la première. Le juge administratif recourt ici encore à la notion de but ou de finalité pour affirmer que l’existence d’une police spéciale ne prive pas l’autorité de police générale de ses pouvoirs. Par exemple, en matière d’affichage, il a été plusieurs fois affirmé que « la loi du 12 avril 1943 instituant une police spéciale de l’affichage et de la publicité, inspirée essentiellement par des motifs esthétiques et confiée au préfet ne prive pas le maire du pouvoir de réglementer, en application de l’article 97-1 du Code de l’administration communale, et en vue de maintenir la sûreté de passage sur les voies publiques, l’implantation en bordure de ces voies de portiques, panneaux et autres installations publicitaires129. Étienne Picard considère dans sa thèse que dans ce cas, il n’y a pas de concours car « en réalité les champs d’exercice des deux polices ne coïncident pas »130. En d’autres termes, s’il ne s’agit pas d’une hypothèse de concours, c’est que la combinaison des deux polices, générale et spéciale, bien qu’elles soient dans un rapport de spécialité, n’est pas réglée par le critère de spécialité : l’une ne se substitue pas à l’autre. Au contraire, elles s’appliquent de façon indépendante. C’est la notion de finalité qui permet de justifier l’indépendance des deux polices, alors même que chacune d’elles régit une même activité, à savoir l’affichage. De même, dans l’arrêt Mehu du 20 juillet 1971131, le Conseil d’État estime que l’existence d’une police spéciale des carrières destinées à permettre aux autorités publiques de parer aux dangers tenant à la présence ou à l’exploitation des carrières ne fait pas obstacle à ce que le maire use de ses pouvoirs de police générale pour assurer la protection des terres contre les inondations d’origine maritime. 904. On parvient ainsi avec Étienne Picard à la conclusion, précédemment évoquée, que la règle selon laquelle la police générale n’aurait pas le droit de statuer dans une matière ayant déjà fait l’objet d’une police spéciale est « inconsistante »132 : la finalité différente de la police générale justifie que son application ne soit pas exclue par l’existence d’une police spéciale. 128. Le mot « objet » est ici employé au sens de finalité. Sur la polysémie du terme « objet », v. H.-M. CRUCIS, Les combinaisons de normes dans la jurisprudence administrative française, op. cit., p. 95-108. 129. TA Grenoble, 22 mars 1978, mentionné aux tables du Lebon ; v. aussi : CE, 27 mars 1925, SA de publicité Boreau, Leb., p. 320 ; TA Châlons, 23 juin 1969, Société affichage Giraudy, Leb., p. 797 ; CE, 21 janv. 1983, Union des Chambres syndicales françaises d’affichage et de publicité extérieure, Dr. adm. 1983, n° 124. 130. É. PICARD, La notion de police administrative, op. cit., p. 714. 131. CE, Sect., 20 juill. 1971, Sieur Mehu, Leb., p. 568. 132. É. PICARD, La notion de police administrative, op. cit., p. 721.

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