Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 321)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 303 890. Dans l’arrêt Mme Tirapolsky, à propos d’une mutation d’office d’une enseignante du secondaire opposant celle-ci au ministre de l’Éducation nationale, le Conseil d’État affirme pour la première fois le caractère autonome des procédures de communication du dossier et de saisine de la commission administrative paritaire : « (…) si, en application de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, la mutation d’office d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service doit être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente, l’existence de cette procédure ne se substitue pas à la garantie, distincte, prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 »110. 891. Cette solution était loin d’être évidente : il s’agit d’un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure qui considérait que l’intervention de la commission administrative paritaire se substitue à la communication préalable du dossier111. 892. Le professeur Gustave Peiser commente l’arrêt en ces termes : « Dans l’affaire Tiraspolsky, la lex specialis sur les mutations d’office ne se substitue pas à la lex generalis de l’article 65 »112. Effectivement, le Conseil d’État n’a pas conféré pas à la norme régissant la procédure des mutations d’office le statut de lex specialis excluant l’application de la lex generalis signifiée par l’article 65 dans la mesure où, comme le souligne le professeur Olivier Dord, les garanties offertes par les deux procédures en cause sont loin d’être équivalentes. Si la saisine de la commission administrative paritaire prévue par le statut général permet certes de s’assurer notamment que la procédure de mutation d’office n’a pas été détournée de son objet pour masquer une sanction disciplinaire, cette garantie, assurée de façon collective, n’en demeure pas moins totalement extérieure à l’agent concerné qui ne bénéficie même pas du droit de présenter ses observations écrites113. Le professeur Dord estime la communication du dossier d’autant plus justifiée qu’« un nombre important de mutations d’office dans l’intérêt du service est aujourd’hui prononcé pour des raisons tenant au seul comportement individuel d’un fonctionnaire »114. C’est donc encore une fois l’absence d’équivalence entre les garanties offertes par la règle générale et celles de la règle spéciale qui justifie que celle-ci n’exclut pas l’application de celle-là. 893. S’agissant d’un recours pour excès de pouvoir contre une décision de licenciement pour inaptitude physique, le Conseil d’État estime que l’intéressé a droit non seulement à la communication de son dossier médical en vertu de la procédure spécifique aux décisions prises en vertu de l’état de santé de l’agent, mais aussi à celle de l’ensemble de son dossier individuel sur le fondement de 110. CE, 30 déc. 2003, Mme Tiraspolsky, Leb., p. 534 ; AJDA 2004, p. 668, note O. Dord. 111. CE, Sect., 28 janv. 1955, Sieur Arnaud, Leb., p. 52 ; AJDA 1952, II, p. 88 ; CE, 21 juin 1968, Sieur Barré, T. Leb., p. 980 et 986 (sous l’empire de l’ordonnance du 4 févr. 1959) ; CE, 2 mai 1990, Chabert, T. Leb., p. 839 ; AJDA 1990, p. 648, obs. Salon (depuis l’entrée en vigueur de la loi du 11 janvier 1984). L’arrêt Sieur Arnaud constitue lui-même un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure : avant l’entrée en vigueur du statut du 19 octobre 1946, les fonctionnaires déplacés d’office devaient, en vertu de la loi du 22 avril 1905, être mis à même de demander la communication de leur dossier : CE, 6 mars 1935, Pouillot, Leb., p. 291 ; CE, 17 déc. 1954, Sieur Allègre, Leb., p. 675. 112. G. PEISER, note sous CE, 9 mai 2005, M. Chahed, AJDA 2005, p. 1797-1800, ici p. 1799. 113. O. DORD, note sous CE, 30 déc. 2003, Mme Tiraspolsky, AJDA 2004, p. 668 et s., ici p. 669. 114. Ibid., p. 670.

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