Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 32)

14 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 2. Du rationalisme au positivisme légaliste 39. La conception déductive du système juridique développée par les rationalistes du XVIIe siècle est reprise, au XVIIIe siècle, par la pensée révolutionnaire française qui, après l’expérience de l’absolutisme et de ses privilèges et lettres de cachet, conçoit les règles générales comme un rempart contre l’arbitraire73. Par la loi des 16 et 24 août 1790, l’Assemblée constituante réserve au corps législatif la compétence de prendre toutes dispositions générales ainsi que celle d’interpréter la loi (Titre II, art. 12). Par le décret des 27 novembre et 1er décembre 1790, elle institue un Tribunal de cassation « établi auprès du Corps législatif »74, chargé « jusqu’à la formation d’un Code unique des lois civiles »75, d’annuler « tout jugement qui contiendra une contravention expresse au texte de la loi »76. Elle institue en même temps le référé législatif, obligeant le Tribunal de cassation à s’en remettre au corps législatif lorsque deux décisions successivement soumises, dans la même affaire, au contrôle du Tribunal de cassation, révèlent une contradiction dans le système de la loi77. C’est d’ailleurs lors des débats relatifs au vote de ce décret que Robespierre proclame énergiquement que « ce mot de jurisprudence des tribunaux (…) doit être effacé de notre langue. Dans un État, qui a une constitution, une législation, la jurisprudence des tribunaux n’est autre chose que la loi »78. La loi est l’unique source des règles générales, tandis que les organes d’application du droit, juges et autorités administratives, se bornent à délivrer mécaniquement des solutions d’espèce grâce au syllogisme judiciaire qui permet le passage du général au particulier, la règle générale en constituant la prémisse majeure. 40. La codification générale souhaitée par l’Assemblée constituante sera réalisée par Napoléon : le Code civil en 1804, celui de procédure civile en 1807, les Codes du commerce et de procédure pénale en 1808 et le Code pénal en 1810. Se forme alors, au sein des juristes, un courant de pensée qui voue aux codes un culte fétichiste : l’École de l’exégèse79. Celle-ci connaît son heure de gloire entre 1830 et 1880. Défendant l’idée que « les codes ne laissent rien à l’arbitraire de 73. Sur ce sujet, v. notamment G. DARCY, « Unité et rationalité dans la construction révolutionnaire », dans Révolution et décentralisation - Le système administratif et les principes révolutionnaires de 1789, sous la dir. de J. Moreau et M. Verpeaux, Paris, Economica, coll. « Droit public positif », 1992, p. 47-80 ; D. GUIGNARD, La notion d’uniformité en droit public français, préf. de S. Regourd, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2004, spéc. p. 259-351. 74. Décret des 27 novembre et 1er décembre 1790 portant institution d’un Tribunal de cassation, art. 1er. V. J.-L. HALPÉRIN, Le tribunal de cassation et les pouvoirs sous la Révolution, 1790-1799, préf. de G. Sautel, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque d’histoire du droit et droit romain », t. 23, 1987. 75. L’Assemblée constituante projette en effet la formation d’une codification générale : v. le décret du 5 juill. 1790, le décret des 16 et 24 août 1790, titre II, art. 19-21, ainsi que la constitution des 3 et 14 sept. 1791 (titre I, in fine) et celle du 24 juin 1793 (art. 85). 76. Décret des 27 nov. et 1er déc. 1790 portant institution d’un Tribunal de cassation, art. 3. Le même article lui interdit également de « connaître du fond des affaires ». 77. Art. 21, al. 2 du décret des 27 nov. et 1er déc. 1790 portant institution d’un Tribunal de cassation, et constitution des 3 et 14 déc. 1791, titre III, chapitre V, art. 21. Le référé a été définitivement supprimé par la loi du 1er avr. 1837 (art. 4). 78. Archives parlementaires, 1re série, t. XX, p. 516, col. I. 79. Sur l’École de l’exégèse, v. J. BONNECASE, L’École de l’exégèse en droit civil, 2e éd., Paris, E. de Boccard, 1924 ; L. HUSSON, « Analyse critique de la méthode de l’exégèse », dans Nouvelles études sur la pensée juridique, Paris, Dalloz, 1974 ; C. PERELMAN, Logique juridique. Nouvelle rhétorique (1979), réédition, Paris, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », 2001, p. 23 et s.

Table des matières de la publication Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1

Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1