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298 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS partiellement concerné, en d’autres termes, dès lors que la règle postérieure vise une sous-catégorie de la catégorie visée par la règle initiale ou bien une catégorie qui croise la catégorie visée par la règle initiale, il n’y a pas abrogation mais dérogation90. 876. Le professeur Aude Rouyère, dans sa thèse sur la dérogation, adopte une position encore différente. L’étendue du champ d’application de la règle initiale atteinte par la règle spéciale postérieure n’a rien à voir avec l’effet de celle-ci sur la validité de celle-là91. En effet, il y a lieu, selon elle, de distinguer l’abrogation partielle de la dérogation. L’une et l’autre n’ont pas le même effet : celle-là entraîne la disparition définitive d’une norme, tandis que celle-ci n’entraîne que sa « suspension d’exécution »92. Ceci étant, Aude Rouyère adopte une définition très étroite de la dérogation puisqu’elle la distingue de l’exception. Tandis que l’exception constitue un volet de la norme initiale, l’expression du pouvoir normatif initial et unique, la dérogation est un processus, une décomposition du pouvoir normatif. Le pouvoir initial ne crée pas la règle dérogatoire mais prévoit seulement la possibilité de déroger à la norme initiale93. L’exception constitue donc une abrogation partielle et se distingue ainsi de la dérogation. Si on adopte la définition de la dérogation d’Aude Rouyère, on admet l’existence à la fois de règles spéciales abrogatoires, qui entraînent la disparition partielle mais définitive de la règle initiale, et de règles spéciales dérogatoires, qui entraînent seulement la suspension partielle de la règle initiale. 90. H.-M. CRUCIS, Les combinaisons de normes dans la jurisprudence administrative française, op. cit. : p. 161 : « la norme postérieure ne déroge à la norme antérieure que lorsqu’elle ne recouvre pas exactement et complètement le champ d’application, l’objet, le contenu de la norme antérieure. Si les champs, les objets (…) sont parfaitement superposables, la norme postérieure impliquera alors l’abrogation pure et simple de la norme ancienne. » ; v. aussi p. 178 : « la dérogation correspond à une mise à l’écart ponctuelle de la règle ». V. aussi : F. LEURQUIN-DE VISSCHER, La dérogation en droit public, Bruylant, Bruxelles, coll. « Centre d’études constitutionnelles et administratives », 1991, p. 58-60 : « Parce qu’elle porte une atteinte radicale à la totalité du domaine matériel d’application de la règle de droit, l’abrogation va avoir cette conséquence de supprimer définitivement pour l’avenir toute existence juridique à la règle (…) Cette conséquence que produit l’abrogation, à savoir la suppression définitive de l’existence juridique de la règle qui en est frappée ne se retrouve point comme conséquence de la dérogation. Pour la raison que cette dernière n’atteint jamais qu’une partie de la règle, même si cette atteinte est radicale, il restera toujours à la règle à laquelle il est dérogé un domaine matériel d’application ». 91. A. ROUYÈRE, Recherche sur la dérogation en droit public, op. cit., p. 174 : « L’étendue du domaine atteint par une norme contraire et l’effet de cette norme ne sont pas liés. Si effectivement la dérogation ne recouvre pas toutes les composantes de la norme initiale, cette caractéristique ne comporte pas d’indication quant à ses effets. Cette allégation est d’ailleurs confirmée par l’existence d’abrogations partielles. 92. Ibid., p. 175 : « La particularité de la dérogation au regard de l’abrogation est de ne pas faire disparaître définitivement la norme initiale. (…) L’atteinte portée à la règle initiale dans le cas de la dérogation, est totale, mais conditionnée et ponctuelle. La règle écartée demeure virtuellement opérante, et s’appliquera par principe, chaque fois que les conditions de la dérogation ne sont pas établies. (…) Cette « suspension d’exécution », selon les termes du Doyen J.-M. Auby, n’est donc en rien comparable avec la disparition définitive de l’ordonnancement juridique commandée par l’abrogation (…) ». 93. Ibid., p. 174 : « L’acte d’abrogation et l’acte dérogatoire se distinguent par le fait qu’ils ne se situent pas au même niveau de compétence. Le premier est adopté (…) selon le même titre de compétence que celui de l’acte initial ; le second correspond à l’exécution d’un pouvoir de dérogation ». Pour un approfondissement des notions d’exception et de dérogation : infra, titre II, chapitre 2.

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