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296 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS cas d’occupation sans titre de terrains appartenant au domaine public de l’État, les litiges nés de cette situation relèvent, sous réserve des dispositions législatives spéciales et sauf dans le cas de voie de fait, de la compétence du juge administratif »83. Les exemples sont innombrables. 871. Ainsi, selon l’adage, la règle spéciale déroge à la règle générale. Se pose alors la question de savoir ce qu’est la dérogation et si elle équivaut à une abrogation. En d’autres termes, la dérogation fait-elle disparaître définitivement la norme à laquelle elle déroge ou au contraire, n’entraîne-t-elle qu’une suspension de son application ? Assimiler la dérogation à l’abrogation ou bien au contraire les distinguer l’une de l’autre n’est pas sans conséquence. En effet, l’abrogation est en général considérée par la doctrine comme définitive : si un texte est abrogé, l’abrogation ultérieure du texte abrogatoire ne peut faire revivre ce texte, et avec lui, la norme qu’il signifie84. Une certaine confusion règne au sein des positions doctrinales (A). Quant au juge administratif, il considère que la règle spéciale qui déroge à une règle générale ne fait pas disparaître définitivement cette dernière (B). A. LA DISTINCTION DE LA DÉROGATION ET DE L’ABROGATION : LA DIVERSITÉ DES POSITIONS DOCTRINALES 872. Certains auteurs parlent d’abrogation, même lorsqu’il s’agit d’une incompatibilité entre une règle spéciale postérieure et une règle générale antérieure : « L’adoption d’une loi spéciale abroge la loi ancienne sur le point qu’elle régit (specialia generalibus derogant) ». Ils ne font pas de différence entre abrogation, dérogation, suspension ou encore modification85. L’existence d’une règle spéciale postérieure dérogeant à la règle générale antérieure équivaut à l’abrogation tacite de cette dernière. 873. D’autres auteurs parlent d’abrogation mais précisent que la dérogation est une abrogation partielle86, ce que critique d’ailleurs Kelsen dans sa Théorie 83. CE, 15 nov. 2006, Ministre des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, Leb., p. 464. 84. J.-L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Paris, Sirey, coll. « Université », 11e éd., 2006, p. 103-105 : « Dans tous les cas où l’abrogation tacite du texte ancien est admise, ce texte disparaît définitivement : il ne saurait en aucun cas renaître plus tard du fait de l’abrogation ou de la modification ultérieure de la loi qui lui portait contradiction ». V. aussi : J.-M. AUBY, « L’abrogation des actes administratifs », AJDA 1967, p. 131-139, ici p. 131 : « l’abrogation se traduit par la disparition d’un acte administratif. Effacé de l’ordonnancement juridique, l’acte n’est plus susceptible d’aucun effet de droit et ce d’une manière définitive. L’abrogation se distingue ainsi de la modification ou de la suspension d’exécution qui supposent toutes deux le maintien de l’acte ». 85. R. CABRILLAC, Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, coll. « Cours », 7e éd., 2007, p. 119. V. aussi : J. CARBAJO, L’application dans le temps des décisions administratives exécutoires, préf. de J.-F. Lachaume, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. CXXXIV, 1980, p. 187 : « on peut donc considérer la modification d’un acte pour l’avenir comme une forme de l’abrogation, soumise au même régime juridique qu’elle ». V. encore les conclusions du commissaire du gouvernement Heumann sur l’arrêt CE, Sect., 10 avr. 1959, Fourré-Cormeray, D. 1959, p. 210-212, ici p. 210 : un acte qui abroge est un « acte qui modifie ou neutralise l’acte primitif ». 86. J.-L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 103-105. D’après Kelsen (Théorie générale des normes, op. cit., p. 149), la distinction entre abrogation et dérogation et la définition de la dérogation comme une abrogation partielle remonte à un passage de La République de Cicéron, qu’il cite : « C’est un péché de modifier cette loi,

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