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284 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 840. La conception du droit administratif comme un ensemble de règles spéciales au regard du droit civil résulte donc d’une décision, d’un choix. Or, le juge administratif a justement choisi de faire du droit administratif, non pas un corps de règles spéciales, en dépit de l’utilisation malheureuse de cette expression par le Tribunal des conflits dans l’arrêt Blanco, mais un ensemble normatif indépendant du droit civil. Ainsi le professeur Benoît Plessix souligne-t-il dans sa thèse que si le juge administratif a fait de nombreux emprunts au droit civil, ces emprunts sont toujours le résultat d’une décision31 : « Le juge administratif est maître des emprunts faits au droit civil »32. Benoît Plessix renvoie en outre au jumeau méconnu de l’arrêt Blanco, l’arrêt Dugave et Bransiet33 dans lequel le Tribunal des conflits a clairement affirmé le pouvoir normatif du juge administratif et l’inapplicabilité de principe des dispositions du Code civil. L’intérêt essentiel de l’arrêt est qu’il n’emploie pas, pour désigner ces dispositions, l’expression « droit commun » mais celle de « dispositions de droit privé » : « La décision Dugave et Bransiet condamne formellement l’idée d’un droit civil-droit commun »34. 841. Le fait que le droit administratif et le droit civil forment deux ensembles normatifs indépendants ne signifie pas qu’ils soient radicalement différents. L’indépendance – certains diront l’autonomie – d’une branche du droit n’interdit pas que des emprunts soient faits à une autre branche du droit : ainsi le juge administratif s’est-il souvent inspiré des règles du Code civil pour forger celles du droit administratif. L’originalité du droit administratif, si elle est loin d’avoir disparu, a tout de même tendance à s’amoindrir35. Le contentieux administratif 31. B. PLESSIX, L’utilisation du droit civil dans l’élaboration du droit administratif, préf. de J.-J. Bienvenu, Paris, LGDJ, Éd. Panthéon-Assas, coll. « Droit public », 2003, p. 775 : « Il y a en effet dans la notion de droit commun l’idée d’une autorité supplétive automatique, c’est-à-dire l’idée que la règle de droit commun est inapplicable pour autant qu’elle va directement à l’encontre, qu’elle déroge à la règle de droit spécial. Or, d’une part, telle n’est pas la situation générale du droit civil français : il va de soi qu’un litige n’est pas automatiquement résolu, et sa connaissance n’est pas directement renvoyée au juge judiciaire, dès lors qu’il ne trouve pas immédiatement sa solution dans l’une des règles de droit appliquées par le juge administratif. C’est précisément pour que le droit privé ne soit pas considéré comme le droit commun de l’Administration qu’un juge administratif a été créé, afin de faire barrage à tout renvoi automatique : l’idée même de dualité juridictionnelle est antinomique de celle de droit commun (…) D’autre part, le phénomène des emprunts faits au droit civil par le droit administratif condamne toute référence à l’idée de droit commun, dans la mesure où nous n’avons jamais cessé, au long de ce travail, de constater que tout emprunt est le résultat d’une décision du juge administratif ». V. aussi F.-P. BÉNOIT, « Juridiction judiciaire et juridiction administrative », JCP G 1964. I. 1838, § 218 et s. : l’auteur dénonce « le mythe du “droit civil-droit commun” ». 32. Ibid., p. 784. 33. TC, 8 févr. 1873, Dugave et Bransiet c/ Commune de Caluire, le département du Rhône et l’État, Rec. CE, 1er supplément, p. 70 ; V. P. LECOCQ, « Aux sources du droit administratif moderne, le jumeau de l’arrêt Blanco », Mélanges offerts à Emmanuel Langavant, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 268-298 ; références citées par B. Plessix, thèse, op. cit., p. 788-789. 34. B. PLESSIX, L’utilisation du droit civil dans l’élaboration du droit administratif, op. cit., p. 789. L’auteur renvoie aussi aux conclusions du commissaire Perret sur la décision TC, 25 janv. 1873, Planque et Papelard, Missions africaines c/ l’État et la ville de Lyon, Rec. CE, 1er supplément, p. 44. 35. V. par ex. : J.-B. AUBY, « Le mouvement de banalisation du droit des personnes publiques et ses limites », Études offertes à Jean-Marie Auby, Paris, Dalloz, 1992, p. 3 ; C. DEBBASCH, « Le droit administratif, droit dérogatoire au droit commun ? », Mélanges René Chapus, Droit administratif, Paris, Montchrestien, 1992, p. 127 ; J.-C. VENEZIA, « Le droit administratif français est-il encore un droit dérogatoire au droit commun ? », Mélanges Spiliotopoulos, État, loi, Administration, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 453. http://www.33.TC

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