Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 293)

LE RAPPORT DE SPÉCIALITÉ 275 norme qui prévoit que le stationnement est gratuit au mois d’août, dans celui de la norme qui prévoit que le stationnement est payant pendant l’année. Enfin, du point de vue spatial, la catégorie « territoire français métropolitain » est une sous-catégorie de celle de « territoire français ». 807. La distinction du croisement et de l’imbrication entre les champs d’application respectifs de deux normes recouvre la distinction opérée par Riccardo Guastini entre les conflits in concreto et les conflits in abstracto9. Les premiers existent chaque fois que deux normes attachent deux solutions différentes incompatibles à deux classes de faits qui se superposent de façon complète ou partielle de façon conceptuelle, indépendamment d’un cas d’espèce, par exemple deux lois, l’une autorisant les avortements thérapeutiques et l’autre interdisant l’avortement, les premiers surviennent chaque fois qu’il existe deux solutions incompatibles pour un même cas concret. Leur existence dépend de ce qui se passe dans le monde. Riccardo Guastini donne l’exemple de deux normes, l’une, N1, prescrit de s’arrêter au feu rouge, l’autre, N2, interdit de s’arrêter près d’une installation militaire. Le conflit n’existe que s’il existe dans la réalité un feu rouge devant une installation militaire. 808. On retrouve cette distinction, formulée différemment, chez d’autres auteurs. Ainsi M. Malgaud oppose-t-il à l’antinomie ouverte l’antinomie accidentelle. Celle-ci peut être illustrée par le drame d’Oreste. Deux normes sont alors en conflit : « l’enfant doit respecter sa mère » et « l’enfant doit venger son père ». En elles-mêmes, ces règles ne présentent aucune antinomie mais dans la situation d’Oreste, elles entrent en conflit parce que sa mère est la meurtrière de son père. M. Malgaud explique que, dans ce cas, « un pur accident fait que ces règles, qui ne peuvent avoir aucun rapport dans leur généralité, se croisent sur une même tête »10. 809. De même, le professeur Antoine Jeammaud, dans sa thèse Des oppositions de normes en droit privé interne, distingue quant à lui les conflits par opposition et les conflits de normes non opposées ou conflits de résultats : « Il nous paraît donc essentiel de distinguer, d’une part les conflits qui se manifestent directement, brutalement parfois, entre deux règles juridiques, dans leur formulation même et abstraction faite de leur application simultanée à une situation particulière, et d’autre part les conflits qui surgissent, en raison de la configuration d’une situation concrète, entre deux règles applicables à cette situation et conduisant à des résultats différents, alors même qu’il n’existe pas entre elles de conflit du premier type. Dans le premier cas, on se trouve en présence de normes opposées, et il faut parler de conflits par opposition, alors qu’il s’agit, dans le deuxième cas, d’un conflit entre normes non opposées, ou encore d’un conflit de résultats »11. 9. Ibid. Il convient de préciser que la relation de croisement ou d’imbrication entre deux normes n’est pas nécessairement conflictuelle : infra, section 2. 10. M. MALGAUD, « Les antinomies en droit, à propos de l’étude de M. Gavazzi », Les antinomies en droit, Études publiées par Charles Perelman, Bruxelles, Bruylant, coll. « Travaux du CNRL », 1965, p. 7. 11. A. JEAMMAUD, Des oppositions de normes en droit privé interne, thèse (dactylographiée), Lyon 3, 1975, p. 8 et s. L’auteur renvoie également à Leszek Nowak qui distingue le cas où une règle est « logiquement contradictoire » à une autre et celui où la « contradiction » n’est qu’« instrumentale ». V. « De la rationalité du législateur comme élément de l’interprétation juridique », Logique et analyse, 12, 1969, p. 65.

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