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254 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS 755. Le recours pour excès de pouvoir a d’abord été conçu pour soumettre l’administration à la légalité et non pas pour donner directement satisfaction au requérant : il permet de contrôler le comportement de l’administration par rapport à la légalité et non d’assurer la protection des droits individuels des administrés. Il est un « procès fait à un acte »230, intenté par un requérant, « substitut du ministère public »231, et non un procès entre des parties232. 756. Cette conception originale du recours pour excès de pouvoir s’explique par des raisons historiques : à l’origine, le recours pour excès de pouvoir n’était pas considéré comme un recours contentieux233. Le juge administratif de l’excès de pouvoir remplissait dans cette optique une « fonction pédagogique et disciplinaire »234. Selon la formule de Laferrière, le juge de l’excès de pouvoir « fait à la fois office de juge et d’autorité administrative supérieure lorsqu’il annule un acte de puissance publique »235. 757. Or, depuis une trentaine d’années, l’heure est à la protection des droits des administrés : une vague de subjectivisation submerge le droit administratif français, dont témoigne notamment l’adoption, pour ce qui est de la procédure économique et social, p. 1233-1238 ; B. PACTEAU, « Du recours pour excès de pouvoir au recours de pleine juridiction ? », Rev. adm., n° spécial, 1999, p. 51 ; J.-M. WOEHRLING, « Vers la fin du recours pour excès de pouvoir ? », Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, L’État de droit, Paris, Dalloz, 1996, p. 777-791. 230. É. LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. II, 2e éd., p. 560. 231. Selon l’expression de M. HAURIOU, note sous CE, 8 déc. 1899, Ville d’Avignon, S. 1900. III. 73. 232. Il ne faut certes pas exagérer cette conception du recours pour excès de pouvoir : pour éviter d’engorger son prétoire, le juge administratif a refusé d’en faire un recours purement objectif, une action populaire, en exigeant un intérêt personnel pour que le recours soit recevable. Nous ne souhaitons pas nous prononcer sur la nature objective ou subjective du recours pour excès de pouvoir. La distinction du droit objectif et des droits subjectifs est beaucoup trop ténue puisque, dans une perspective normativiste, les droits subjectifs ne sont que des prérogatives conférées par le droit objectif. En outre, les promoteurs de la classification matérielle des recours, fondée sur la nature – objective ou subjective – de la question posée au juge, ont proposé des versions très différentes de cette classification. Par exemple, Duguit faisait rentrer le contentieux de la réparation dans la juridiction objective, ce qui ne correspond pas du tout à la classification matérielle contemporaine usuelle. Sur ces questions, V. F. MELLERAY, Essai sur la structure du contentieux administratif français - Pour un renouvellement de la classification des principales voies de recours ouvertes devant les juridictions à compétence générale, préf. de J. du Bois de Gaudusson, Paris, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 212, 2001, p. 105-219 ; M.-J. REDOR, De l’État légal à l’État de droit - L’évolution des conceptions de la doctrine publiciste française 1879-1914, PUAM-Economica, préf. de J. Combacau, coll. « Droit public positif », 1992, p. 192-202. 233. L’art. 9 de la loi du 24 mai 1872 qui consacre la justice déléguée énonce que « le Conseil d’État statue souverainement sur les recours en matière contentieuse, et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoirs formées contre les actes des diverses autorités administratives ». 234. M. FROMONT, Droit administratif des États européens, Paris, PUF, coll. « Thémis Droit », 2006, p. 64. La conception du recours pour excès de pouvoir a évolué depuis et tend, non plus seulement à faire respecter le droit public objectif mais aussi à protéger la situation individuelle du requérant. L’attribution au juge de pouvoirs d’injonction est un exemple significatif de cette évolution. Pour autant, Michel Fromont souligne que la notion de droit public subjectif n’a pas encore fait son entrée dans le droit administratif français. 235. É. LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. II, 2e éd., p. 578, cité par S. BOUSSARD, « La classification des contentieux à l’épreuve de la métamorphose du juge de l’excès de pouvoir », Regards sur l’histoire de la justice administrative, Journées d’études du Centre d’histoire du droit de l’Université de Rennes I, sous la dir. de G. Bigot et M. Bouvet, Paris, Litec, coll. « Débats et colloques », 2006, p. 305-331, ici p. 310. http://www.232.Il

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