Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 257)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, ATTRIBUT DE LA SOUVERAINETÉ 239 Aux États-Unis172, comme en Grande-Bretagne, la distinction des actes réglementaires et non réglementaires de l’administration n’existe pas, et, par conséquent, les tribunaux civils sont compétents pour contrôler la légalité de toutes les mesures prises par l’administration et annuler les mesures illégales173. 2. Le modèle allemand 721. En Allemagne174, les actes par lesquels l’administration édicte des règles générales (Rechtsverordnung) ne sont pas considérés comme des actes administratifs mais comme des lois matérielles, de la législation déléguée. La distinction des actes de l’administration en fonction du caractère général ou particulier des normes qu’ils portent, est lourde de conséquences dans la mesure où seuls les actes individuels sont considérés comme des actes administratifs et suscep172. V. A. A. LEVASSEUR, Droit des États-Unis, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2e éd., 1994, p. 155 et s. ; R. W. PARKER, « Du contrôle du pouvoir administratif aux États-Unis », AJDA 1999, p. 751-756. 173. L’Administrative Procedure Act, loi fédérale sur la procédure américaine, adoptée en 1946, distingue cependant les règles ou règlements et les jugements. Les règles sont définies comme des déclarations d’application générale ou particulière, ayant des effets futurs et destinée à mettre en œuvre, interpréter ou établir une loi ou une ligne de conduite spécifique. Il s’agit ainsi des mesures qui fixent des tarifs, instaurent des services, organisent des procédures internes, etc. Les règles peuvent être édictées selon trois procédures. D’abord, les règles qui n’affectent pas les droits et obligations des parties, telles que celles qui déterminent l’organisation interne d’un département administratif, ou une règle qui énoncerait la politique d’un service administratif – ce que l’on désigne par « mesures d’ordre intérieur » en droit administratif français – peuvent être édictées sans formalités spéciales. Ensuite, certaines règles ne peuvent entrer en vigueur qu’après l’accomplissement de certaines formalités : l’autorité administrative doit publier un communiqué décrivant le contenu du règlement proposé et invitant toute personne intéressée à participer à une séance publique pour discuter dudit règlement. Elle devra prendre en considération toutes les observations émises lors de cette séance, dans un exposé justifiant l’édiction de la règle en question. Enfin, pour les règlements qui concernent particulièrement certaines personnes, le processus d’élaboration de la mesure devra se dérouler devant le chef de service ou de l’agence impliqués ou devant une personne indépendante et neutre, l’administrative judge, désignée à cet effet, toutes preuves, documents et arguments sur lesquels l’agence administrative entend faire reposer sa décision sont à verser au dossier ; l’agence devra se cantonner à ce dossier pour formuler sa décision et la justifier. Si la décision ne concerne que quelques personnes déterminées, que sa teneur dépend de faits propres à ces ou cette personne, alors la décision en cause sera en fait le prononcé d’un jugement. Les jugements de type administratif sont définis par la loi fédérale sur la procédure civile comme un ordre ou une injonction émanant d’un service administratif. Il peut s’agir de la décision d’un procureur décidant de poursuivre ou non un criminel, celle de renouveler l’autorisation d’une station de radio de diffuser sur les ondes, celle d’accorder ou non des prestations sociales. La procédure à suivre pour le prononcé de ce type de jugement est très formaliste : toutes les parties concernées doivent avoir fait l’objet d’une notification ; l’instance se déroule en forme de procès au cours duquel les garanties processuelles doivent être respectées. En réalité, est très souvent utilisée une procédure officieuse appelée informal adjudication et qui consiste à prendre des décisions individuelles cas par cas mais sans passer par une procédure de type juridictionnel avec audience et procès verbal. L’administration dispose d’un large pouvoir discrétionnaire s’agissant du choix entre l’adoption d’une règle ou le prononcé d’un jugement. Elle a tendance à recourir davantage à la règle parce que les principes d’élaboration sont plus souples. 174. V. les manuels : C. AUTEXIER, Introduction au droit public allemand, Paris, PUF, 1997 ; H. MAURER, Droit administratif allemand, trad. par M. Fromont, Paris, LGDJ, coll. « Manuel », 1995 ; et les articles : R. ARNOLD, « Le contrôle juridictionnel des décisions administratives en Allemagne », AJDA 1999, p. 658-667 ; M. FROMONT, « Le contrôle juridictionnel des actes administratifs en Allemagne », AJDA 1964, p. 604-612 ; « Regards d’un juriste français sur la juridiction administrative allemande », Rev. adm. 1999, n° spécial, 7, p. 28-35 ; P. MOUZOURAKI, « La modification du Code des tribunaux administratifs en Allemagne fédérale », RFDA 1999, p. 150-158 ; B. PIEROTH, « L’acte réglementaire en droit allemand », RRJ 2005, p. 569-581 ; C. WITZ, Le droit allemand, Paris, Dalloz, coll. « Connaissance du droit », 2001.

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