Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 245)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, ATTRIBUT DE LA SOUVERAINETÉ 227 683. Seules les personnes publiques pourraient imposer des règles aux individus sans leur consentement. Certains auteurs invoquent alors la théorie du contrat social, pour faire valoir que les citoyens se sont assujettis volontairement à l’ordre juridique étatique. Mais d’autres leur répondent que le contrat social n’est qu’un contrat « métaphysique et politique » et non « économique et positif »116. Jean-Marie Rainaud est ainsi amené à dire que « le droit privé ne connaît pas le procédé de l’acte réglementaire parce que tout organisme qui posséderait le pouvoir réglementaire deviendrait ipso facto une personne publique. Si l’acte d’un particulier est de nature à créer, modifier ou éteindre une institution intéressant une catégorie d’individus, ceux-ci ne sont liés que par leur consentement : si ce pouvoir est unilatéral, c’est que ce particulier est considéré comme indispensable à la société et, en quelque sorte, “réquisitionné et publicisé” »117. 684. Pourtant, il convient de souligner d’abord, que certains groupements en droit privé ne sont pas volontaires – l’enfant ne choisit pas sa famille – et surtout, qu’en droit public, certaines règles supposent le consentement des intéressés sans qu’elles perdent leur caractère général et unilatéral. Ainsi les fonctionnaires acceptent-ils eux aussi leur nomination, ce qui ne conduit pas à remettre en cause le fait que leur situation est réglementaire. Dans le même sens, le fait qu’un étudiant ait apposé sa signature au bas d’un règlement qui s’impose à l’ensemble des étudiants accueillis en stage dans un laboratoire du CNRS « ne saurait avoir ôté aux dispositions en cause le caractère d’un acte administratif réglementaire pour en faire un contrat de cession de droits de propriété intellectuelle »118. De nombreux actes unilatéraux sont négociés. 685. On doit donc admettre l’existence de normes générales privées. Mais il faut bien s’entendre sur le sens de l’expression. En effet, il ne s’agit nullement de reconnaître la thèse du pluralisme juridique et considérer que certaines normes existent en dehors de l’État. Les normes privées restent des normes étatiques, c’est-à-dire qu’elles ne doivent leur existence qu’à l’État. Ainsi, en droit du travail, les conventions collectives, usages et normes patronales d’entreprise n’ont un effet normatif que dans la mesure où celui-ci est reconnu par le législateur et surtout par le juge119. 686. Certaines normes étatiques méritent d’être qualifiées de normes privées car le droit étatique utilise effectivement la distinction public-privé. En effet, dans la mesure où le droit français connaît le dualisme juridictionnel, la distinction public-privé permet de répartir les compétences entre les deux ordres de juridiction : les normes privées relèvent du juge judiciaire tandis que les normes publiques relèvent du juge administratif120. 116. J.-M. RAINAUD, La distinction de l’acte réglementaire et de l’acte individuel, thèse, op. cit., ici p. 52. 117. Ibid. 118. CE, 22 févr. 2010, Centre national de la recherche scientifique, req. n° 320319, mentionné aux tables du Lebon ; AJDA 2010, p. 962, note J.-D. Dreyfus. 119. Contra : Certains auteurs défendent au contraire la thèse du pluralisme. Ainsi, certains spécialistes de droit du travail considèrent que les règles professionnelles – conventions collectives, règlements intérieurs des entreprises et autres actes normateurs patronaux – ne tirent pas leur juridicité de leur reconnaissance par l’État. Elles sont seulement relevantes pour le droit étatique. Elles forment donc un ordre juridique distinct au sein de l’ordre étatique. V. notamment A. JEAMMAUD, M. LE FRIANT et A. LYONCAEN, « L’ordonnancement juridique des relations du travail », D. 1998, chron. p. 359-368, ici p. 360. 120. V. M. TROPER, « La distinction public-privé et la structure de l’ordre juridique », Pour une théorie juridique de l’État, op. cit., p. 183-198, spéc. p. 192 : « La distinction public-privé n’est pas simplement, à notre époque, une distinction conceptuelle. C’est une distinction opérée par le droit

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