Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 239)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, ATTRIBUT DE LA SOUVERAINETÉ 221 réglementaire fait-elle naître des litiges de droit public plutôt que de droit privé ? L’administration n’a pas le monopole des règles générales et impersonnelles ; un règlement d’atelier, le règlement intérieur d’une association ou d’un syndicat sont matériellement des règlements, et si l’on adopte un critère matériel tel que celui de la nature des rapports impliqués il faut être fidèle à sa logique. On ne voit pas pourquoi la nature administrative ou non administrative d’une décision dépendrait de sa plus ou moins grande généralité »88. 664. En résumé, le caractère réglementaire d’un acte édicté par une personne publique emporte à la fois la qualification d’acte administratif et la compétence du juge administratif même si les rapports qu’il concerne sont considérés par le juge comme des rapports de droit privé. Le juge judiciaire est en effet compétent pour connaître des litiges nés dans le cadre de rapports de droit privé. Sont ainsi institués des blocs de compétence en sa faveur. Mais ces blocs se fissurent face à la notion d’acte réglementaire : l’acte réglementaire fait échec à la compétence du juge judiciaire. Cette répartition des compétences juridictionnelles traduit bien l’idée que les règles générales sont des règles publiques. Évidemment, il ne faut pas pour autant considérer que les règles générales sont par nature des règles publiques : une règle générale peut aussi bien être publique que privée, ce que soulignait à juste titre Georges Vedel. L’assimilation des règles générales aux règles publiques n’est qu’un moyen pour le juge administratif de conserver le monopole du contrôle de ces règles générales. 2. Les personnes privées gérant un service public 665. S’agissant des décisions prises par les personnes privées gérant un service public administratif, celles-ci sont qualifiées d’actes administratifs qu’elles soient réglementaires ou individuelles, à la double condition qu’elles soient prises dans l’accomplissement de la mission de service public qui leur est confiée et dans l’exercice de prérogatives de puissance publique89. 666. Ainsi, dans ses conclusions sur l’arrêt Société auxiliaire de meunerie rendu par la Section du Contentieux du Conseil d’État le 20 mars 195990, le commissaire du gouvernement Michel Bernard justifiait-il la compétence de la Haute Juridiction administrative pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir formé contre deux décisions individuelles d’un comité d’organisation, l’Office professionnel des céréales, en ces termes : « Il ne serait pas inconcevable que (…) vous adoptiez, en matière de compensation du travail de meunerie, des règles de 88. CE, Sect., 23 janv. 1953, Audouin, JCP G 1954. II. 7916, note G. Vedel. 89. V. CE, Ass. 31 juill. 1942, Monpeurt, Leb., p. 239 ; D. 1942, p. 138, concl. A. Ségalat, note P. C. ; JCP 1942, n° 2046, note P. Laroque ; RDP 1943, p. 57, note R. Bonnard : à propos des décisions prises par les comités d’organisation : « Les décisions qu’ils sont amenés à prendre dans la sphère de [leurs] attributions, soit par voie de règlement, soit par des dispositions d’ordre individuel, constituent des actes administratifs ». V. aussi CE, Sect., 13 janv. 1961, Magnier, Leb., p. 32 ; AJDA 1961, p. 142, note C.P., RDP 1961, p. 155, concl. J. Fournier. V. aussi : TC, 22 avr. 1974, Directeur régional de la sécurité sociale d’Orléans c/ Sieur Blanchet, Leb., p. 791 : le Tribunal des conflits reconnaît le caractère administratif de deux circulaires émanant de la Caisse nationale d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles. Il relève que, bien qu’elle ait le caractère d’une personne morale de droit privé, elle est chargée de l’exécution d’un service public et en déduit que « les circulaires qu’elle est amenée à prendre dans la sphère de ses attributions constituent, par nature, des actes administratifs ». Le tribunal des conflits n’utilise donc pas le critère des prérogatives de puissance publique. 90. CE, Sect., 20 mars 1959, Société auxiliaire de meunerie, Leb., p. 194, concl. M. Bernard.

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