Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 229)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, ATTRIBUT DE LA SOUVERAINETÉ 211 suffisamment précis39. Ainsi a-t-il fallu que le législateur intervienne spécialement pour habiliter le Conseil national des Barreaux – qui n’est pas à proprement parler un ordre professionnel mais un organe chargé de la coordination des quelques 180 Barreaux existant en France – à « unifie[r] par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat »40. La Haute juridiction administrative a donc été contrainte par le législateur d’opérer un revirement par rapport à sa jurisprudence antérieure41 et de reconnaître finalement le pouvoir réglementaire de cet établissement d’utilité publique, dans un arrêt du 17 novembre 2004, SEL Landwell et associés42. 632. Enfin, le pouvoir réglementaire des Ordres ou du CNB ne s’exerce que sur les membres de la profession, ne pouvant créer aux tiers aucune obligation43, et trouve « une limite dans les libertés individuelles qui appartiennent aux membres de l’Ordre comme à la généralité des citoyens » ainsi que « dans les règles essentielles de l’exercice de la profession »44. 633. Ainsi le droit public français témoigne-t-il d’une volonté certaine d’éviter la dispersion du pouvoir réglementaire. De la même façon, la reconnaissance du pouvoir jurisprudentiel n’a pas été sans heurt. B. LA LENTE RECONNAISSANCE DU POUVOIR JURISPRUDENTIEL : DES ARRÊTS DE RÈGLEMENT AUX ARRÊTS DE PRINCIPE 634. La conception révolutionnaire du juge faisant de celui-ci un automate répétant mécaniquement les paroles de la loi, relève du mythe : le juge en interprétant les textes législatifs ou en statuant dans le silence de ces textes, crée des règles générales. Le développement d’un droit jurisprudentiel est donc inévitable, aussi bien en ce qui concerne le juge administratif (2) que le juge judiciaire, pourtant retranché derrière l’imposant Code civil (1). S’il est interdit à l’un comme à l’autre d’édicter des règles générales dans le dispositif de leurs jugements, il est toléré qu’ils le fassent dans les motifs. 1. La jurisprudence judiciaire 635. Dans la conception révolutionnaire, tout le droit est contenu dans les lois, règles générales, et il n’existe pas de lacunes. Les faits soumis à l’appréciation 39. CE, 31 janv. 1969, Union nationale des grandes pharmacies de France, Leb., p. 54 : faute de texte l’y habilitant, l’ordre professionnel des pharmaciens ne peut pas fixer les règles concernant les locaux professionnels. V. aussi : CE, 14 févr. 1969, Association syndicale des médecins exerçant en groupe ou en équipe, Leb., p. 96. 40. Art. 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 déc. 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques, JO du 12 févr. 2004, p. 2847. 41. CE, 27 juill. 2001, Ordre des avocats du barreau de Tours, Leb., p. 395 ; AJDA 2001, p. 852, chron. M. Guyomar et P. Collin ; D. 2002, p. 365, note B. Blanchard. 42. CE, 17 nov. 2004, SEL Landwell et associés, Leb., p. 428 ; AJDA 2005, p. 319, note J.-M. Pontier ; D. 2005, p. 11, chron. A. Bernard ; CE, ord. réf., 18 oct. 2010, Ordre des avocats du Barreau de Marseille et autres, req. n° 343365, inédite au Lebon ; AJDA 2011, p. 277, note E. Untermaier. 43. CE, 16 avr. 1946, Consorts Richiers, Leb., p. 116 ; CE, 26 oct. 1949, Ansar, Leb., p. 65. 44. CE, 29 juill. 1950, Comité de défense des libertés professionnelles des Experts Comptables, Leb., p. 492 ; CE, Sect., 5 oct. 2007, Ordre des avocats au barreau d’Evreux, Leb., p. 411 ; LPA, 17 avr. 2008, concl. Y. Aguila ; AJDA 2008, p. 644, note G. Houillon.

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