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204 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS § 1. LE MONOPOLE LÉGISLATIF PROGRESSIVEMENT REMIS EN CAUSE 611. À la Révolution, la loi est considérée comme l’unique source des règles générales, les autorités publiques, administratives ou juridictionnelles, ne pouvant que statuer sur des cas concrets1. Le monopole de la création du droit au profit du législateur voulu par les révolutionnaires est en réalité utopique. Comme l’avait déjà compris Bodin, inventeur de la notion moderne de la souveraineté conçue comme monopole de la puissance publique, le souverain doit s’entourer de collaborateurs et de subordonnés2. Très vite, on reconnaît à l’administration le pouvoir d’édicter des règles générales (A). Le mythe de l’exhaustivité de la loi ne tiendra pas non plus face au développement d’un inévitable pouvoir jurisprudentiel, non seulement des juridictions administratives qui ne sont les gardiennes d’aucun code, mais aussi des juridictions judiciaires pourtant censées appliquer mécaniquement les codes Napoléon (B). A. L’EXISTENCE D’UN POUVOIR RÉGLEMENTAIRE RELATIVEMENT CENTRALISÉ 612. À la Révolution française, le monopole législatif pour la production des règles générales va très rapidement montrer ses limites et l’administration se met à édicter de telles règles (1). Néanmoins, on constate, encore aujourd’hui, que le pouvoir réglementaire reste centralisé : de manière générale, il est peu délégué, peu déconcentré et la reconnaissance officielle du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales s’est faite très tardivement (2). 1. La naissance du pouvoir réglementaire de l’administration 613. Le principe d’un monopole de la production des règles générales n’est pas une idée neuve à la Révolution. Chez Hobbes comme chez Bodin, la souveraineté est indivisible : le souverain est le seul pouvoir législatif. De même, chez Locke, « l’autorité législative ne peut remettre en d’autres mains le pouvoir de faire des lois »3. Dans le Contrat social, Rousseau distingue le souverain et le gouvernement. Ce dernier est la force au service de la volonté : il se borne à exécuter par le biais d’actes particuliers les lois générales adoptées par le souverain. 614. À la Révolution française, la loi est donc l’unique source du droit. Le professeur Michel Verpeaux explique en effet qu’elle est conçue comme un acte parfait et souverain, ce qui rend inutile de prévoir une autre source de droit au profit de l’exécutif, même un pouvoir réglementaire d’exécution4. Néanmoins, s’il n’est pas prévu par les constitutions révolutionnaires, le pouvoir réglementaire va 1. É. ARTUR, « Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions », RDP 1900, p. 214 et s., spéc. p. 219 : Il existe « trois fonctions différentes, irréductibles l’une à l’autre : la fonction législative qui consiste à faire la loi, la fonction exécutive qui consiste à gouverner et à administrer, la fonction de juger (…). La fonction législative consiste à faire la loi (…) [laquelle] se distingue des autres actes de puissance publique à deux caractères essentiels : c’est une règle générale et c’est une règle qui ne se rattache à aucune autre prescription antérieure comme mesure d’exécution ». 2. O. BEAUD, La puissance de l’État, op. cit., p. 154 ; v. aussi p. 161 et s. 3. J. LOCKE, Traité du gouvernement civil (1766), chapitre XI, GF-Flammarion, 1992, p. 249. 4. M. VERPEAUX, La naissance du pouvoir réglementaire. 1789-1799, préf. de M. Fromont, Paris, PUF, coll. « Les grandes thèses du droit français », 1991 ; « Le pouvoir réglementaire sous la Révolution », Droits, n° 17, La Révolution française et le droit, 1993, p. 113-124

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