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LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 199 ministre chargé de la protection de la nature et le ministre chargé de l’agriculture ne peuvent pas refuser d’inscrire sur la liste des espèces végétales à protéger certaines espèces dont la conservation est justifiée par un intérêt scientifique particulier par les nécessités de la préservation du patrimoine biologique. Un tel refus est illégal. Il n’y a alors qu’une décision légale possible, c’est-à-dire absence de pouvoir discrétionnaire, en dépit du fait que le juge ne se livre qu’à un contrôle restreint245. 596. Dans la conception traditionnelle qui assimile le raisonnement juridique à un syllogisme, l’intensité de la contrainte normative que la règle générale fait peser sur la règle particulière est particulièrement forte. En d’autres termes, un acte administratif particulier serait nécessairement édicté dans le cadre d’une compétence liée. 597. En droit administratif, il est vrai que les hypothèses les plus fréquentes de compétence liée concernent l’édiction d’actes administratifs individuels. L’administration est par exemple tenue de prononcer la radiation d’un fonctionnaire qui atteint la limite d’âge246 ou qui est frappé d’une peine assortie de l’interdiction de toute fonction publique247. De même, le Conseil d’État a considéré que le maire, ou à défaut, le représentant de l’État dans le département, était tenu de refuser à un individu l’autorisation de conserver le corps de son père selon un procédé de congélation dans l’enceinte de la propriété familiale248. 598. Pourtant, l’édiction des actes administratifs particuliers est loin d’être rebelle à l’idée de pouvoir discrétionnaire. Ainsi le préfet dispose-t-il d’un tel pouvoir lorsqu’il refuse d’ouvrir une enquête d’utilité publique sur tel ou tel projet d’expropriation249 ou bien de prendre une déclaration d’utilité publique250. L’administration décide aussi de façon discrétionnaire de refuser ou retirer un passeport251. Il en va de même des décisions relatives à la notation des fonctionnaires252 ou des nominations au tour extérieur253. 599. L’existence d’un pouvoir discrétionnaire pour l’édiction des actes administratifs particuliers n’a donc rien d’exceptionnel en droit administratif français. Comme l’affirme Jean-Marie Woehrling, « la tradition française paraît marquée par une certaine méfiance à l’égard de la compétence liée et une faveur pour la reconnaissance d’un pouvoir d’appréciation de l’opportunité au bénéfice de l’Administration », ce qui s’explique non seulement par une volonté d’adaptation au réel mais aussi par « la conception constitutionnelle française dans laquelle le pouvoir administratif dispose de son propre fondement et ne se déduit pas d’une délégation parlementaire », à la différence du droit allemand254. 245. CE, 5 juill. 1999, Société catalane et botanique d’écologie végétale, T. Leb., p. 898. 246. CE, Sect., 18 juin 1965, Bellet, Leb., p. 370. 247. CE, Sect., 25 juill. 1980, Tusseau, Leb., p. 319 ; AJDA 1981, p. 102, obs. S. S. ; D. 1981, p. 8, concl. J.-M. Galabert. 248. CE, 6 janv. 2006, Martinot et autres, Leb., p. 8. 249. CE, 7 mars 1979, Commune de Vestric-et-Candiac, Leb., p. 102. 250. CE, 20 mars 1991, Commune du Port, Leb., p. 95. 251. CE, 19 févr. 1975, Fouéré, T. Leb., p. 1177. 252. CE, Sect., 26 oct. 1979, Leca, Leb., p. 397. 253. CE, Ass., 16 déc. 1988, Association des administrateurs civils, Leb., p. 449. 254. J.-M. WOEHRLING, « Compétence liée et pouvoir discrétionnaire », La compétence, Actes du colloque organisé les 12 et 13 juin 2008 à Nancy par l’AFDA, Litec, coll. « Colloques et débats », 2008, p. 127-144.

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