Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 201)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 183 que « ce principe impose à l’auteur d’un règlement de respecter celui-ci à l’occasion des décisions individuelles qu’il est amené à prendre »179. Selon le professeur Aude Rouyère, c’est le principe de légalité qui explique la règle patere legem : « Plus complet que le mécanisme strict de la hiérarchie matérielle, le principe de légalité est une donnée globale de notre système juridique, apte à concurrencer l’argument de l’égalité, car en réalité l’incluant. Elle doit être entendue ici dans son sens le plus large et signifie que l’administration doit agir conformément au droit »180. 537. Françoise Leurquin-de Visscher refuse elle aussi de justifier la règle patere legem par le principe d’égalité en soulignant que cela conduirait à considérer que « l’acte administratif individuel dérogatoire qui ne serait pas pris sur la base d’une disposition générale l’autorisant serait en tant que tel contraire au principe d’égalité tandis que l’acte individuel dérogatoire qui serait pris sur base d’une disposition légale l’autorisant ne le serait point »181. 538. La règle patere legem traduit donc l’idée que les dérogations doivent être instituées par voie réglementaire et non directement par voie individuelle. Il apparaît que si l’interdiction des dérogations individuelles aux règles générales trouve un fondement essentiel dans le principe d’égalité, elle se justifie également par un souci de cohérence du système juridique. Les normes administratives individuelles et/ou concrètes pouvant être extrêmement nombreuses, la règle patere legem permet d’introduire un peu d’ordre au sein des règles du droit administratif. Cela explique peut-être aussi que cette règle ne soit pas imposée au législateur : le nombre des lois particulières étant assez réduit, le besoin d’ordonner les rapports entre les normes législatives se fait moins ressentir. 539. En outre, si la règle patere legem n’était qu’une conséquence du principe d’égalité, le Conseil d’État aurait sans doute pris la peine, avant de censurer les dérogations individuelles contraires au règlement, d’affirmer qu’elles portent atteinte au principe d’égalité. Au contraire, il les annule de façon systématique en raison de leur contrariété au règlement, en prenant soin de préciser qu’elles sont illégales parce que ce règlement n’a pas prévu de possibilité de dérogation. Il semble que la règle patere legem existe donc bien indépendamment du principe d’égalité, même si elle n’a jamais été expressément consacrée par le juge administratif. Elle constitue une norme implicite du système juridique : en droit administratif, toutes les règles particulières sont soumises aux règles générales émises par la même autorité, que le principe d’égalité soit en cause ou non. c) L’obligation de conformité d’une règle particulière à une règle générale émanant d’une autorité inférieure : la jurisprudence Ville de Clamart 540. Le Conseil d’État oblige également les autorités administratives à respecter, lorsqu’elles prennent des actes administratifs porteurs de normes particulières, les normes générales contenues dans des actes administratifs réglementaires édictés par des autorités inférieures. L’arrêt Ville de Clamart a été le détonateur 179. G. VEDEL, P. DELVOLVÉ, Droit administratif, t. 1, Paris, PUF, coll. « Thémis - Droit public », 1992, p. 498. 180. A. ROUYÈRE, Recherche sur la dérogation en droit public, thèse (dactylographiée), sous la dir. de J.-M. Auby, Bordeaux I, 1993, p. 152. 181. F. LEURQUIN-DE VISSCHER, La dérogation en droit public, préf. de F. Rigaux, Bruxelles, Bruylant, coll. « Centre d’études constitutionnelles et administratives », 1991, p. 153.

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