Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 198)

180 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS Fuchs, elle a censuré une décision individuelle du maire de Colmar privant le sieur Fuchs de ses fonctions de lieutenant de sapeurs-pompiers dans la mesure où un décret réglementaire du 13 août 1925 attribuait compétence au préfet ou ministre de l’Intérieur161. Le Conseil d’État sanctionne également les empiètements des autorités supérieures sur les compétences des autorités inférieures : dans un arrêt du 5 mai 1950, Sieur Buisson, un acte individuel ministériel est annulé pour incompétence car un décret réglementaire attribue compétence à l’autorité inférieure, le doyen162. 528. La hiérarchie matérielle des normes, fondée sur leur caractère général ou particulier, coïncide avec la hiérarchie organique. La soumission des règles particulières aux règles générales est donc doublement justifiée : par leur caractère particulier mais aussi par le fait qu’elles émanent d’une autorité hiérarchiquement inférieure. Elle ne heurte donc pas la conception française traditionnelle, qui, depuis Carré de Malberg163, considère majoritairement que la hiérarchie des normes traduit une hiérarchie des organes de l’État. b) L’obligation de conformité d’une règle particulière à une règle générale émanant de la même autorité : Patere legem quam fecisti 529. La soumission des règles particulières aux règles générales n’est pas limitée par la hiérarchie des organes dont émanent les actes administratifs normateurs. La valeur inférieure aux règles générales des règles particulières n’est pas justifiée par le traditionnel critère organique. En effet, le Conseil d’État oblige les autorités administratives à respecter, lorsqu’elles prennent des actes administratifs porteurs de normes particulières, les normes générales contenues dans les actes administratifs réglementaires qu’elles ont elles-mêmes édictés. L’obligation de conformité des décisions individuelles aux actes réglementaires s’impose à l’auteur même du règlement : c’est la règle « patere legem quam fecisti ». S’il peut modifier les dispositions du règlement – dans la mesure où aucune règle supérieure ne s’y oppose, il est « légalement tenu de les respecter, notamment dans ses décisions individuelles (…) tant qu’il ne les a pas modifiées »164. 530. Illustrations. Les arrêts faisant application de cette règle sont nombreux. 531. Par exemple, dans un arrêt du 17 mai 1907, Société philharmonique libre de Fulmay165, un règlement de police du maire exigeait, pour le maintien de l’ordre 161. CE, 17 janv. 1951, Sieur Fuchs, RDP 1951, p. 1123. 162. CE, 5 mai 1950, Buisson, Leb., p. 258 : L’arrêté ministériel réintégrant le sieur Bailly dans ses fonctions d’appariteur à la Faculté de droit de Lyon est annulé pour incompétence car selon un décret du 28 décembre 1885 qui prévoit que « par délégation du ministre, le doyen nomme et révoque les appariteurs », il appartenait seulement au doyen de prendre l’arrêté de réintégration concernant le sieur Bailly. 163. R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, op. cit. V. aussi, G. VEDEL, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, n° 8, p. 21 et Pages de doctrine, p. 129 ; où le doyen Vedel affirme que le droit constitutionnel recours au critère organique « à peu près exclusivement » et que le droit administratif lui est fortement inféodé, notamment dans la mesure où la suprématie de la loi sur le règlement s’explique à raison de la primauté absolue de l’organe législatif sur l’administration. V. aussi : R. CHAPUS, « De la soumission au droit des règlements autonomes », D. 1960, chron. XXII, p. 119 : le rang d’une norme se définit « en relation avec celui de son auteur ». 164. CE, 25 mars 1964, Samoël, Leb., p. 201 : « Considérant que (…) les dispositions susanalysées avaient un caractère réglementaire ; que, par suite, le ministre, tant qu’il ne les avait pas modifiées, était légalement tenu de les respecter, notamment dans ses décisions individuelles ». 165. CE, 17 mai 1907, Sté philharmonique libre de Fulmay, Leb., p. 478.

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