Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 189)

LA RÈGLE GÉNÉRALE, REMPART CONTRE L’ARBITRAIRE DES GOUVERNANTS 171 différente : selon lui, le fait que ces règles jurisprudentielles ne soient applicables qu’à défaut de dispositions réglementaires contraires signifie qu’elles ont une valeur juridique supérieure aux décrets mais que leur portée est seulement supplétive. La distinction de la valeur et portée paraît assez ténue : si René Chapus préfère parler de « portée supplétive » et non de « valeur inférieure », on peut alors se demander ce qu’il faut entendre par « valeur juridique ». Selon nous, dès lors qu’une règle ne s’applique qu’en l’absence d’autres règles contraires, cela signifie qu’elle a une valeur inférieure à ces règles. 490. Les normes jurisprudentielles du Conseil d’État n’ont donc pas de place fixe dans la hiérarchie normative : elles sont tantôt supérieures tantôt inférieures aux normes réglementaires. 491. Quant aux normes juridictionnelles des tribunaux ordinaires, normes particulières, elles sont en principe édictées dans le respect des règles constitutionnelles, législatives et administratives, que celles-ci soient générales ou particulières. Dans le contentieux de l’excès de pouvoir ou dans le plein contentieux objectif, elles sont même édictées pour assurer le respect des règles constitutionnelles, législatives ou administratives. Les jugements contraires à ces normes supérieures sont annulés dans le cadre de l’appel et surtout du pourvoi en cassation. 492. Ceci étant, une fois passées en force de chose jugée, c’est-à-dire lorsqu’elles ne sont plus susceptibles d’aucun recours, exception faite du pourvoi en cassation131, les décisions de justice s’imposent à l’administration et au législateur. 493. Elles prévalent sur les règles générales administratives : une règle juridictionnelle individuelle émanant du juge, qu’il s’agisse d’ailleurs du juge administratif ou judiciaire, par exemple la norme selon laquelle le département du Rhône doit payer tel montant de dommages et intérêts à un individu, a une valeur supérieure aux règles générales administratives. L’administration ne peut édicter aucun acte administratif réglementaire qui viendrait heurter la chose jugée. 494. Bien plus, les décisions de justice prévalent également sur les lois. Ainsi, d’après le Conseil constitutionnel, le législateur ne peut-il valider des actes administratifs annulés par des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée132. La hiérarchie matérielle est ainsi inversée : ce sont des règles générales, les actes administratifs réglementaires et les lois, qui ont une valeur inférieure à des règles particulières, les règles juridictionnelles. *** 495. En définitive, la hiérarchie normative interfonctionnelle se présente ainsi : au sommet se trouvent les normes constitutionnelles, viennent ensuite les normes jurisprudentielles et juridictionnelles du Conseil constitutionnel, 131. Sur la notion de décisions passées en force de chose jugée, v. CE, Ass., 27 oct. 1995, Mattio, Leb., p. 359, concl. J. Arrighi de Casanova. 132. V. par ex. : CC, décision n° 2006-545 DC, 28 déc. 2006, Loi n° 2006-1770 du 30 déc. 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, JO du 31 déc. 2006, p. 20320 ; CC, décision n° 93-335 DC, 21 janv. 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction, JO du 26 janv. 1994, p. 1382.

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