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LA DISTINCTION DE LA GÉNÉRALITÉ PERSONNELLE ET DE LA GÉNÉRALITÉ MATÉRIELLE 127 à placer la personne qu’ils concernent dans une situation générale et préexistante. La décision de nomination du fonctionnaire ne crée pas la situation du fonctionnaire mais se contente de placer la personne en cause dans le champ d’une réglementation générale préexistante, le statut de la fonction publique. 373. La distinction entre les actes-conditions de portée individuelle et les autres actes individuels est très ténue. Gaston Jèze explique ainsi qu’« il faut soigneusement distinguer l’acte-condition de l’acte créateur de situation juridique individuelle. Le point de ressemblance est que l’acte vise un cas individuel. Mais il est facile de distinguer les deux actes si l’on s’attache à leur contenu juridique. Dans l’acte-condition, le contenu juridique n’est pas la création d’une situation juridique individuelle. La situation juridique dans laquelle va être placé l’individu existe déjà ; de plus, cette situation est une situation générale et impersonnelle et non pas une situation individuelle »190. Il reconnaît cependant que « la plupart des actes juridiques créateurs de situations juridiques individuelles sont, en même temps, des actes-conditions ». La vente, par exemple, est, pour certains effets juridiques, un acte juridique créateur de situations individuelles (elle crée l’obligation de payer le prix, l’obligation de remettre la chose vendue), et pour d’autres effets, un acte juridique condition (application du status légal de propriétaire à l’acheteur, application au vendeur du status légal de créancier, etc.)191. 374. Roger Bonnard précise également qu’un acte individuel, acte subjectif, dans la terminologie duguiste, est toujours un « acte complexe » : « Si l’acte-condition se présente à l’état pur, c’est-à-dire avec pour seul effet d’attribuer une situation générale et impersonnelle, l’acte subjectif comporte toujours un effet attributif analogue, comme conséquence de l’établissement de la situation individuelle. (…) Ainsi, le contrat de travail qui a pour objet principal d’établir une situation individuelle pour le patron et l’ouvrier, a aussi pour objet de leur attribuer certains pouvoirs et devoirs qui ont été établis d’une façon générale et impersonnelle par la législation ouvrière »192. 375. De la même façon, Francis-Paul Bénoit distingue la décision individuelle, qui « crée bien un droit subjectif » et l’acte-condition à portée individuelle qui « confère seulement une qualité impersonnelle ». Cette distinction est très ténue dans la mesure où une décision individuelle place elle aussi la personne qu’elle concerne dans une situation juridique générale, comme celle de créancier. Selon Francis-Paul Bénoit, « ceci est vrai – pour la raison évidente que toute situation juridique individuelle correspond à une notion générale et se trouve soumise à un ensemble de règles à portée impersonnelle – mais la personne est placée dans cette situation d’une manière individuellement déterminée, pour telle somme »193. 376. La distinction entre les décisions individuelles et les actes-conditions à portée individuelle peut être présentée d’une autre façon. La décision individuelle vise à la fois un individu déterminé (tel créancier) et un comportement déterminé révocation d’un agent public sont aussi des actes-conditions. L’effet juridique de la nomination, de l’élection, de la révocation est de placer un individu sans une situation juridique générale, impersonnelle, objective : celle de fonctionnaire public, celle de fonctionnaire révoqué (…) ». 190. G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif, op. cit., spéc. p. 45. 191. Ibid., p. 46. 192. R. BONNARD, Précis de droit public, 4e éd., Paris, Sirey, 1937, ici p. 13. 193. F.-P. BÉNOIT, Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1968, p. 525.

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