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LA DISTINCTION DE LA GÉNÉRALITÉ PERSONNELLE ET DE LA GÉNÉRALITÉ MATÉRIELLE 97 295. La notion d’« actes administratifs dont le champ d’application dépasse le ressort d’un seul tribunal administratif » illustre ainsi l’insuffisance de la distinction des actes administratifs réglementaires et individuels, trop étroite pour classer tous les actes administratifs en fonction de leur champ d’application. En effet, comme l’explique Guy Braibant dans ses conclusions sur l’arrêt Société Olympia Press du 8 novembre 196121, il existe entre « les actes réglementaires qui s’appliquent de façon générale à une catégorie d’activités ou de produits, sans viser spécialement une entreprise déterminée », et les « actes purement individuels, qui n’ont d’effets juridiques qu’à l’égard d’une seule entreprise, [et qui] ont un champ d’application limité à cette entreprise », « une zone d’actes plus complexes de caractère mixte, qui intéressent à la fois une entreprise déterminée, prise individuellement, et un secteur d’activités pris dans son ensemble ». 296. Lorsque, afin de déterminer sa propre compétence, le Conseil d’État doit mesurer le champ d’application territorial de ces « actes mixtes », il interprète de façon pragmatique la notion d’« actes dont le champ d’application dépasse le ressort d’un seul tribunal administratif », distinguant les personnes directement visées par l’acte de celles qui ne le sont qu’indirectement, ainsi que le proposait Guy Braibant22. Pour savoir si le champ d’application excède le ressort d’un seul tribunal administratif, le juge ne prend en compte que les personnes directement visées par l’acte. 297. Par exemple, les décisions par lesquelles l’autorité administrative autorise ou interdit la commercialisation d’une spécialité pharmaceutique sont en principe considérées comme n’ayant des effets qu’au siège du laboratoire qui commercialise cette spécialité, ce qui exclut la compétence directe du Conseil d’État23. En 2001, à propos de la décision de mise sur le marché de la « pilule du lendemain », la Haute Juridiction rappelle qu’« une décision d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament, délivrée, en application de l’article L. 601 du Code de la santé publique par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a pour principal objet de permettre à l’entreprise qui le demande de commercialiser cette spécialité et doit donc être réputée de ce fait, 21. CE, 8 nov. 1961, Société Olympia Press, Leb., p. 624, concl. G. Braibant. 22. G. BRAIBANT, concl. sur CE, 8 nov. 1961, Société Olympia Press, Leb., p. 624, ici p. 626 : « Si les effets juridiques de cet acte s’exercent directement, et, en quelque sorte, à titre principal, sur l’entreprise, les tribunaux administratifs sont compétents en premier ressort. (…) La ligne de clivage passe donc entre les actes dont les effets s’exercent directement sur une entreprise et qui n’atteignent qu’indirectement un secteur d’activité ou une catégorie d’organismes, et d’autre part les actes qui, tout en intéressant spécialement une entreprise, produisent directement leurs effets sur un ensemble de personnes ou d’institutions situées dans les ressorts de plusieurs tribunaux administratifs ». 23. CE, 26 févr. 1958, Bouchereau, Leb., p. 132 : les effets des décisions de refus et de retrait provisoire de visa pour la spécialité pharmaceutique dénommée « saliformiode » s’exercent directement sur l’entreprise qui a demandé le visa, le tribunal administratif est donc compétent en premier ressort ; CE, 11 juin 1958, Caisse primaire de Sécurité sociale des Alpes-Maritimes, Leb., p. 342. Au contraire, les arrêtés d’inscription des spécialités pharmaceutiques sur la liste des produits remboursables aux assurés sociaux « produisent leurs effets directement à l’égard des caisses de sécurité sociales, dont ils fixent les obligations envers les assurés sociaux », et relèvent donc de la compétence directe du Conseil d’État : CE, Sect., 22 nov. 1957, Société Ciba, Leb., p. 637 ; CE, Sect., 14 févr. 1958, Société des laboratoires Roger Bellon, Leb., p. 100 ; CE, 15 juill. 1959, Société des produits chimiques Sovilo, Leb., p. 444 : l’arrêté ministériel inscrivant au tableau C (section II) de substances vénéneuses « les hologénures de l’acide acétique, leurs sels et leurs éthers », « produisent leurs effets directement à l’égard des utilisateurs de ces produits dont ils fixent les obligations envers leur clientèle relativement à un produit déterminé ».

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