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LA DISTINCTION DE LA GÉNÉRALITÉ PERSONNELLE ET DE LA GÉNÉRALITÉ MATÉRIELLE 93 278. La conception personnaliste de Charles Eisenmann. À cette conception matérialiste de la compétence s’oppose celle, personnaliste de Charles Eisenmann, selon laquelle le champ d’application est constitué de personnes, déterminées au moyen d’éléments matériel, spatial et temporel. D’après Charles Eisenmann, l’unique domaine de validité des règles est humain : « On ne pense pas que l’idée d’une pluralité de domaines de validité des normes puisse être admise ; on pense que les normes n’ont qu’un seul et unique domaine de validité, qui est humain »4. Il insiste : « L’idée juste à mes yeux est que les normes valent pour des hommes, pour des hommes seulement, que leur validité ne peut être rapportée qu’à leurs « sujets » ou « adressataires », que, si l’on veut parler de leur domaine de validité, elles n’en ont qu’un seul – il est constitué par les êtres humains dont elles prétendent régir la conduite – leurs sujets, des personnes »5. 279. Certes, l’élément territorial doit être pris en considération, mais seulement dans la mesure où il permet de déterminer quelles sont les personnes visées par la norme. L’espace n’est qu’« un procédé de mesure », « un moyen de délimitation » tandis que l’homme est un « objet de mesure », un « objet de délimitation »6 : « L’espace n’intervient que comme le lieu des hommes »7. 280. Ainsi rejette-t-il l’idée d’un domaine de validité matériel : « Les normes juridiques sont essentiellement prescription ou permission d’actes à des hommes, (…) c’est cela régler leur conduite, leur condition ; (…) dire qu’elles règlent des actes, rapports, faits, etc., c’est user d’un langage conventionnel qui peut être commode parfois, mais qu’il faut se garder de prendre pour vrai, parce qu’il ne correspond ni à leur essence, ni à leur fonction (…). En d’autres termes, ce n’est pas autour du Fait, de l’Acte, du Rapport, de la Situation que le monde de la réalité juridique s’ordonne, mais autour de l’Homme. Et l’homme n’est pas un élément de la norme juridique au même sens et au même titre que les faits, actes, etc. ; il n’est pas avec elle dans la même relation ou dans une relation comparable ; sa relation à la norme est absolument originale »8. 281. Selon lui, « “le secteur de la conduite humaine” auquel se rapporte une norme n’a rien à voir avec sa validité. Cette matière ou objet, on les détermine en analysant le contenu concret objectif de la norme, c’est-à-dire les actes qu’elle prescrit, prohibe ou permet, par référence au système de concepts qui distingue et classifie divers secteurs de relations ou de vies sociales. Il ne s’agit donc même pas à proprement parler d’un élément constitutif des normes, d’un élément qui figurerait dans leur énoncé »9. Cet argument n’est pas très convaincant : l’objet d’une norme est déterminé de la même façon que ses destinataires. Ainsi, si pour iden4. C. EISENMANN, « Sur la théorie kelsénienne du domaine de validité des normes juridiques », Écrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d’idées politiques, Textes réunis par Charles Leben, Editions Panthéon-Assas, Droit public, coll. « Les Introuvables », p. 405-412, spéc. p. 408. V. aussi : « La centralisation et la décentralisation : Principes d’une théorie juridique », RDP 1947, p. 27-53, p. 163-197, p. 247- 295, spéc. p. 179. 5. Ibid., p. 410. 6. C. EISENMANN, « Sur la théorie kelsénienne du domaine de validité des normes juridiques », op. cit., p. 411. 7. C. EISENMANN, « La centralisation et la décentralisation. Principes d’une théorie juridique », op. cit., ici p. 81. 8. Ibid., p. 191. 9. C. EISENMANN, « Sur la théorie kelsénienne du domaine de validité des normes juridiques », op. cit., p. 408.

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