Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 106)

88 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS humains. La consistance de cet ensemble de personnes n’est pas déterminée : certains membres de cet ensemble sont déjà identifiables mais peuvent par la suite cesser d’y appartenir, d’autres, actuellement non identifiables, y appartiendront dans le futur. 265. La notion de décision hypothétique. Pierre Fleury-Le Gros dégage également la notion de décision hypothétique en cas d’« hypothèse complexe de dispersion des faits », c’est-à-dire lorsqu’une norme attache une conséquence juridique à l’égard de conditions réalisées, pour partie avant, et pour partie après la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Par exemple, au jour de l’entrée en vigueur d’une loi modifiant la sanction applicable à l’égard de l’infraction d’exercice illégal de la médecine, un sujet de droit a accompli un premier acte sans avoir encore réalisé le second. La loi précise que le second acte nécessaire à la constitution de l’infraction ne peut être réalisé qu’après la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. La décision hypothétique peut être ainsi formulée : « Vous qui avez déjà rempli telle condition, si vous remplissez telle autre condition, que telle conséquence de droit soit appliquée à votre égard »259. La norme régit la situation d’un ensemble fermé de personnes mais la consistance de cet ensemble est susceptible de varier dans la mesure où il n’est pas certain que les destinataires rempliront ou non la deuxième condition dans l’avenir. 266. La différence entre la décision hypothétique et la règle personnelle est ténue. Celle-là convient seulement lorsqu’au jour de son entrée en vigueur un sujet de droit a déjà rempli une fois pour toutes une ou plusieurs des conditions qu’elle retient sans encore avoir satisfait aux autres conditions tandis que celle-ci concerne des sujets qui remplissent actuellement une condition mais qui doivent continuer de la remplir : la condition n’est pas remplie une fois pour toutes, elle doit être remplie à long terme. 267. Décisions hypothétiques et règles personnelles telles qu’elles sont définies par Pierre Fleury-Le Gros ne sont pas porteuses de règles générales dans le sens où elles ne visent pas des catégories personnelles mais des cercles d’individus identifiés ou identiables. Si les individus compris ab initio dans le cercle peuvent en sortir puis y rentrer de nouveau, aucun nouvel individu n’y est admis. *** 268. La règle générale est abstraite, et plus précisément impersonnelle : elle vise une ou plusieurs personnes juridiques mais aucun individu en particulier. La distinction des personnes juridiques et des êtres humains est donc essentielle : ceux-ci sont certes toujours les destinataires des règles générales, les seuls capables d’adopter les comportements qu’elles prescrivent, interdisent ou permettent, mais les règles générales ne s’adressent jamais directement à eux, ne les atteignant que de façon médiatisée par le canal des catégories que sont les personnes juridiques, uniques ou plurielles. 269. L’impersonnalité des règles générales permet de distinguer ces dernières d’autres règles que les spécialistes de droit international privé identifient sous le terme de décisions. Celles-ci ressemblent aux règles générales dans la mesure où elles visent des ensembles nombreux de personnes, non nominativement 259. Ibid., p. 165.

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