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86 LES RÈGLES GÉNÉRALES EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS Par exemple, si le législateur décide de l’octroi d’une prime aux personnes ayant donné naissance à un enfant l’année passée, le législateur ne connaît évidemment pas toutes les personnes concernées. Néanmoins, il s’agit d’un cercle fermé. Une décision collective équivaut bien à une série de décisions individuelles, et certainement pas à une règle générale. c) Le présent 260. Les normes sont susceptibles de régir des situations constituées dans le passé, mais qui se prolongent dans le présent et le futur, ou des ensembles de faits qui s’étalent entre le passé et l’avenir. Il s’agit d’ensembles de faits ou de situations qui présentent un caractère durable et qui sont à cheval entre le passé et le futur. Les spécialistes des conflits de lois dans le temps distinguent deux cas : la « dispersion complexe des faits » d’une part et, d’autre part, la « dispersion d’une situation de droit ou fait » ou « situations en cours ». 261. Pour apprécier l’étendue du champ d’application d’une norme, le Doyen Bach a en effet montré qu’il fallait prendre en compte non seulement la date de réalisation des faits que la norme doit régir mais aussi la date de naissance des situations au cours desquelles ces faits peuvent parfois survenir253. Lorsque la loi nouvelle est non rétroactive, c’est-à-dire qu’elle régit des faits qui sont postérieurs à sa date d’entrée en vigueur, se pose alors la question de savoir si elle régira tous ces actes ou seulement une partie d’entre eux. En effet, ces actes postérieurs peuvent être réalisés dans le cadre de deux types de situations de fait ou de droit différentes, les situations en cours et les situations futures. Ainsi le législateur peut-il décider que la loi nouvelle régira tous les faits futurs, quelle que soit la date de naissance de la situation au sein de laquelle ils seront réalisés (c’est l’« application générale de la loi nouvelle »), ou bien que la loi ancienne continuera de s’appliquer à l’égard des situations en cours (c’est la « survie de la loi ancienne »). La loi de 1938 qui met un terme à l’incapacité de la femme mariée n’est donc pas rétroactive car elle ne valide pas a posteriori les actes réalisés avant son entrée en vigueur par les femmes mariées sans leur mari, et par ailleurs, elle régit tous les actes futurs, ceux qui seront réalisés par les femmes qui se marieront après l’entrée en vigueur de la loi (situations futures) et ceux qui seront réalisés par les femmes déjà mariées avant son entrée en vigueur (situations en cours). 262. L’étude de ces lois qui régissent des faits ou des situations dispersés entre le passé et l’avenir révèlent qu’à l’instar des lois rétroactives, elles sont dépourvues de généralité dans la mesure où elles visent des individus identifiables. Néanmoins – et c’est ce qui fait la différence entre ces normes et celles qui sont purement rétroactives – ces ensembles fermés sont susceptibles de variations. En effet, les individus compris dans cet ensemble sont définitivement déterminés mais ils peuvent en sortir et y rentrer de nouveau. 263. La notion de règle personnelle. Pierre Fleury-Le Gros invente l’expression de règle personnelle pour désigner les normes qui régissent des situations en cours et qui ne sont ni des règles ni des décisions au sens où l’entend Pierre 253. L. BACH, « Contribution à l’étude du problème des lois dans le temps », RTD civ. 1969, p. 405-469 ; « Conflits de lois dans le temps », Répertoire de droit civil, Dalloz, 1996, p. 3 à 76 ; P. FLEURY-LE GROS, Contribution à l’analyse normative des conflits de lois dans le temps en droit privé interne, op. cit., ici p. 11.

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