Biblio droit public - Les règles générales en droit public français -1 - (Page 101)

LES RÈGLES GÉNÉRALES, DES RÈGLES CATÉGORIELLES 83 donc non permanentes. Afin d’étayer sa thèse, il donne l’exemple d’une norme dispensant la veuve d’un homme d’État du paiement des droits de mutation afférents à sa succession. La réalisation de la conséquence de cette norme est subordonnée à la réalisation de la condition que la veuve accepte la succession. Mais selon Pierre Mayer, cette condition n’est pas une véritable hypothèse car « l’acceptation de la succession n’est pas un type de situations mais une situation concrète et individuelle quoique future et non-certaine ; c’est l’acceptation par Mme veuve X de la succession de feu M. X. »246. 244. En admettant la définition que Pierre Mayer donne de l’hypothèse, il convient toutefois de souligner que le caractère abstrait et la structure hypothétique et, à l’inverse, le caractère concret et la structure catégorique, ne sont pas indissolublement liés247. 245. D’une part, comme le souligne Hans Kelsen dans Théorie pure du droit, il existe des normes individuelles hypothétiques : « Ainsi en est-il lorsqu’un tribunal n’ordonne l’exécution forcée contre le patrimoine du débiteur défaillant que pour le cas où ce débiteur ne presterait pas avant telle date la somme qu’il doit ; ou lorsque le tribunal n’ordonne l’exécution de la peine prononcée contre un individu que pour le cas où cet individu commettrait de nouveau un délit punissable au cours d’un délai fixé par le tribunal »248. On peut également prendre l’exemple de la norme d’un contrat d’assurance prévoyant que tel individu recevra une indemnité chaque fois qu’il subira un dommage. 246. À l’inverse, on peut envisager l’existence de règles générales non hypothétiques, c’est-à-dire dépendant de la survenance d’une situation concrète : tel est le cas de la norme selon laquelle les habitants de telle collectivité perdront la citoyenneté française lorsque cette collectivité accèdera à l’indépendance. Cette règle est générale dans la mesure où elle vise un cercle non fermé d’individus mais sa structure n’est pas hypothétique. 2. Les différentes configurations du champ d’application des règles du point de vue temporel 247. La dimension temporelle du champ d’application d’une règle doit être prise en considération dans la mesure où une règle a vocation à régir des comportements humains dont l’existence s’inscrit elle aussi dans le temps. Ces comportements peuvent être temporellement situés dans le futur (a), le passé (b) et le présent (c). a) Le futur 248. Une norme est censée régir l’avenir249. Le champ d’application d’une règle peut être temporellement délimité de diverses façons. 249. Tout d’abord, il importe peu qu’une règle ait une durée de validité déterminée en unités de temps (années, mois, etc.) ou que son énoncé prévoit une date d’échéance précise (telle année, tel mois, tel jour, etc.). En effet, quelle 246. P. MAYER, La distinction entre règles et décision…, thèse, op. cit., p. 50. 247. V. aussi P. FLEURY-LE GROS, Contribution à l’analyse normative des conflits de lois dans le temps en droit privé interne, préf. de L. Bach et P. Mayer, postface de J. Petit, Paris, Dalloz, 2005, ici p. 41. 248. H. KELSEN, Théorie pure du droit, op. cit., p. 111. 249. Art. 2, C. civ. : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

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