Finances publiques et fiscalité - Le système budgétaire de l'État au Maroc et en France - 99

LES ENJEUX POLITIQUES DE LA DÉBUDGÉTISATION

81

systèmes juridiques, on a pu constater que de nombreuses opérations de transfert ont été effectuées par voie réglementaire sans avoir besoin d’une autorisation par‑ lementaire. Cette pratique est encouragée par l’ambiguïté juridique qui entoure la notion d’entreprise publique concernée par l’autorisation de transfert dans le sens des articles 34 de la constitution française et 46 de la constitution marocaine avant sa modification. En effet, l’article 71 de la constitution de 2011 dispose que le domaine de la loi englobe, entre autres, la nationalisation d’entreprises et le régime des privatisations. Cette nouvelle formulation permettrait, semble‑t‑il de rapatrier au domaine de la loi toutes les matières qui concerne le régime des privatisations, allant de la procédure de cession, jusqu’à l’autorisation de transfert. Le cas le plus frappant des opérations de cession opérées en dehors d’un régime contraignant d’autorisation parlementaire est celui des opérations dites de respiration en france. En effet, la loi du 6 août 1986 dite loi de respiration du secteur public permit la cession d’entreprises publiques de second rang sans avoir besoin d’une autorisation parlementaire13. Dans ce cadre, 421 opérations de ces‑ sion ont eu lieu entre 1988 et 1993, 40 d’entre elles ont été autorisées par décret. Les cessions d’entreprises pouvant être autorisées par décret concernent les entreprises relevant du secteur public soit de manière directe ou indirecte, et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 millions de francs ou l’effectif est supérieur à 1 000 personnes. La loi du 19 juillet 1993 a porté le seuil du chiffre d’affaires à 1  milliard de francs et a remplacé l’autorisation des petites cessions par une déclaration a posteriori intervenant dans les 30 jours suivant l’opération. Ces opérations de cession concernent en l’occurrence les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 et leurs chiffres d’affaires sont inférieurs à 50 millions de francs14. au Maroc, l’affaiblissement du rôle législatif du Parlement en matière de privatisation a été affiché comme objectif depuis le premier projet de loi sur la privatisation présenté par le gouvernement en 1989. En effet, la première version dudit projet a opté pour le principe de la liste négative et pour l’interdic‑ tion de l’extension du secteur public. La constitutionnalité de cette disposition était fortement contestée par les partis formant l’opposition parlementaire à l’époque (Union socialiste des forces populaires, Parti de l’Istiqlal, Parti du Pro‑ grès et du Socialisme et l’Organisation de l’Action Démocratique et Populaire). Les raisons invoquées par l’opposition consistent en ce que ces nouvelles dispositions constituent une atteinte à l’article  45 de la constitution de 1972 délimitant le domaine de la loi. En effet, le principe de la liste négative viole l’article 45 dans la mesure où ce n’est plus le Parlement qui autorise le transfert des entreprises publiques au sec‑ teur privé, mais c’est le Gouvernement qui s’est vu approprier cette compétence. Ce principe consistait à fixer une liste d’entreprises non privatisables en raison
13. X.‑D. JUDICIS, J.‑P. PETIT, Les privatisations, op. cit., p. 129. 14. Ce régime va être précisé davantage par l’ordonnance n° 2000‑916 du 19 septembre 2000 modifiant l’article 20 de la loi n° 86‑793 du 2 juillet 1986 telle qu’elle a été modifiée, en prévoyant que « Les opérations de transfert au secteur privé de la propriété des entreprises mentionnées au premier alinéa du paragraphe II de l'article 7 de la loi n° 86‑793 du 2 juillet 1986 précitée sont autorisées par décret lorsque les effectifs desdites entreprises augmentés de ceux des filiales dans lesquelles elles détiennent, directement ou indirectement, plus de 50  % du capital social, sont supérieurs à mille personnes au 31 décembre de l'année précédant le transfert ou lorsque le chiffre d'affaires consolidé de ces entreprises et de leurs filiales telles qu'elles viennent d'être définies, est supérieur à 150 millions d'euros à la date de clôture de l'exercice précédant le transfert ».
Finances publiques et fiscalité - Le système budgétaire de l'État au Maroc et en France

Table des matières de la publication Finances publiques et fiscalité - Le système budgétaire de l'État au Maroc et en France
