Finances publiques et fiscalité - Le système budgétaire de l'État au Maroc et en France - 53

UNE CONVERGENCE INÉGALE VERS LA DÉBUDGÉTISATION

nourrissant un flou juridique « de nature à fausser la signification de l’évolution des grandeurs budgétaires ou du résultat de l’exécution de la loi de finances »27. Dans la même droite ligne, la Cour des comptes s’est prononcée sur la pra‑ tique de la reprise par l’État de la dette d’un organisme tiers, qui constitue selon elle, une opération budgétaire, c'est‑à‑dire une charge permanente. Cette posi‑ tion a été réitérée dans sa première contribution aux réflexions du Parlement sur la réforme de l’ordonnance de 1959, car elle précise : « il s’agit en effet de dépenses définitives, effectuées sans contrepartie, à l’instar des dépenses de garan‑ tie lorsque celles‑ci sont appelées ». Elle a par conséquent préconisé d’interdire très nettement le classement de charges manifestement budgétaires en opérations de trésorerie et vice versa28. Cette attitude critique est soutenue par une partie de la doctrine qui consi‑ dère l’emprunt comme étant « une ressource permanente et massive de finance‑ ment des dépenses de l’État ». Parmi les arguments invoqués il y a lieu de citer que les opérations d’emprunt sont admises comme des opérations permanentes durant la période classique, jusqu’à la première guerre mondiale et après 1915, et par conséquent rien ne doit empêcher de les considérer comme des opérations permanentes et non uniquement des opérations de trésorerie traitées hors du cadre budgétaire. En outre, l’attitude du législateur budgétaire manque parfois de cohérence dans la mesure où elle tolère la budgétisation de certaines opérations qualifiées de trésorerie, alors qu’elle exclut du cadre budgétaire certaines opérations dont le caractère permanent est incontestable. Ceci est de nature à porter atteinte à deux principes sacro‑saint du droit budgétaire, il s’agit du principe de l’unité budgétaire avec son corollaire le principe de l’universalité de la loi de finances qui imposent de faire figurer au budget toutes les dépenses et toutes les recettes de l’État29. Le cas des collectivités locales est un exemple où la budgétisation des opé‑ rations d’emprunt ne pose aucun problème. En effet, les budgets de ces entités incluent toutes les dépenses et toutes les ressources destinées à leur couverture, y compris les recettes d’emprunt. Le périmètre des opérations qui ne sont pas retra‑ cées dans le budget est limité, puisqu’il concerne « de simples avances de trésorerie qu’elles peuvent se procurer auprès du Trésor ou d’établissements bancaires, en anticipation de leurs rentrées de recettes, ainsi que les placements de trésorerie qu’elles sont exceptionnellement autorisées à faire de produits d’emprunt ou de cessions patrimoniales temporairement disponibles dans l’attente de la réalisa‑ tion des investissements que ces fonds sont destinés à couvrir »30. Cette attitude a amené certains auteurs à avancer que l’État impose aux autres ce qu’il ne s’impose pas31.
27. Cour des comptes, Rapport sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1996, cité par M. BERMOND, in La réforme du budget de l’État, la loi organique relative aux lois de finances, ouvrage coordonné par J.‑P. CAMBY, op. cit., p. 181. 28. F. COLLY, « Les emprunts de l’État et la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances », article précité, p. 369. 29. P. AMSELEK, « Opérations budgétaires et opérations de trésorerie » in L. PHILIP, L’exer‑ cice du pouvoir financier du Parlement, théorie, pratique et évolution, op. cit., p. 17. 30. Idem 31. R. HERTZOG, « Pour une présentation unifiée de l’équilibre et des déficits dans les budgets publics » in L’équilibre budgétaire », (sous la dir. de L. TALLINEAU), Economica, 1994, p. 71 et s.

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