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Le projet de réforme du droit des obligations : incidences sur le régime des cessions de droits sociaux chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses 34. En effet, l'article 1231-4, dispose que «  Dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ». 32. En matière de cessions de droits sociaux, le vice du consentement qui est le plus fréquemment invoqué est le dol. Dans la définition antérieure du dol, il n'était question que de manœuvres. Le nouvel article 1136 accueille également, comme l'avait fait précédemment la jurisprudence, la réticence dolosive : il évoque la dissimulation intentionnelle d'une information. Toutefois, la rédaction est singulière car l'information qui a été dissimulée devait être fournie « conformément à la loi » sans que l'on sache trop de quelle loi il s'agit. Manifestement, il s'agit de l'obligation d'information générale contenue dans l'article  1129 précité. L'article 1137 dispose que «  le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé au porte-fort du cocontractant » : il s'agit là d'une confirmation de jurisprudence, au moins s'agissant du dol du représentant 35. Le dol peut encore émaner d'un tiers, « si le cocontractant en a eu connaissance et en a tiré avantage ». La jurisprudence antérieure exigeait que le tiers soit un complice 36 : la complicité n'est plus requise, la simple connaissance suffit 37. 33. En revanche, les dispositions relatives à l'erreur ouvrent à notre sens le champ des possibles. Jusqu'ici, l'erreur était difficilement accueillie par le juge en matière de cessions de droits sociaux. On connaît bien la raison : selon l'actuel article 1110, « L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet  ». Or la chose vendue étant un ensemble d'actions ou de parts sociales, l'entreprise cédée n'est qu'une sorte de sous-jacent. Dès lors, la jurisprudence avait réduit la possibilité de recourir à l'erreur à des situations marginales  : celles dans lesquelles l'entreprise cédée 38 était privée de la possibilité de réaliser l'objet social. 34 Cass. com., 10 juill. 2012, n° 11-21954 : Bull. civ., IV, n° 149 ; Rev. sociétés 2012, p. 686, note B. Fages, BJS nov. 2012, p. 767, n° 427, note P. Stoffel-Munck. 35 Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-17409 : Bull. civ., IV, n° 175 ; Cass. 3e civ., 29 avr. 1998, n° 96-17540 : Bull. civ., III, n° 87. 36 Cass. 1re civ., 3 juill. 1996, n° 94-15729 : Bull. civ., I, n° 288 ; RJDA 11/96 n° 1291 ; Cass. com., 16 déc. 2008, n° 08-12946 : JCP 2009, 138, obs. Y.-M. Serinet. 37 V. S. Schiller note sous Cass. com., 7 oct. 2014, n° 13-19758, F-D : Rev. sociétés 2015, p. 226 et s., § 14. 38 Cass. com., 25  mars 1974, n°  73-10910  : Bull.  civ., IV, n°  104  - Cass.  com., 10  juill. 1978, n°  77-10194  : Bull.  civ., IV, n°  193  ; D.  1979, IR  149, note D.  Landraud  - Cass.  com., 1er  oct. 1991, Bulletin Joly Sociétés * Mai 2015 34. Le nouvel article  1131 pourrait permettre de rompre avec une vision aussi restrictive. L'erreur de droit ou de fait est une cause de nullité du contrat si elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due. L'erreur ne porte plus nécessairement sur la substance de la chose mais aussi sur une prestation : la prestation est ici la transmission de l'entreprise représentée par les droits sociaux. On peut donc espérer que les juges profitent d'une rédaction qui est beaucoup plus accueillante pour la notion d'erreur. S'agissant de l'erreur sur la valeur, elle demeure, comme par le passé, écartée (C. civ., art. 1135) et avec elle la lésion. Mais en réalité, on peut ici s'interroger sur la portée du nouvel article 1138 précédemment évoqué : « L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable  ; elle est une cause de nullité relative alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ». L'erreur sur la valeur trouve donc sa place dès lors qu'il y a eu dol. 35. À côté de l'erreur, la violence pourrait également être mieux accueillie par les juges à partir d'une nouvelle définition. L'actuel article 1112 dispose qu'il y a violence, « lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présenté ». Le nouvel article 1139 reprend sensiblement la même rédaction. Il est complété par un article  1140 actuellement ainsi libellé  : « La menace d'une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son abus ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif ». Ce dernier article traduit en termes législatifs une jurisprudence qui avait été rendue notamment en matière de cession de droits sociaux : la menace d'un procès 39 ou d'une mise en redressement judiciaire 40 ne saurait conduire à remettre en cause une cession. 36. Mais une voie d'élargissement ne pourrait-elle pas être trouvée dans un autre article ? En effet, l'article  1142 considère qu'il y a violence «  lorsqu'une partie abuse de l'état de nécessité ou de dépendance n° 89-13967 : Bull. civ., IV, n° 277, arrêt Quille ; Cass. com., 1er oct. 1991, n° 88-13967, JCP E 1992, II, 277, note A. Viandier ; D. 1992, p. 190, note G. Virassamy ; BJS nov. 1991, p. 1004, note C. Roca ; RTD  civ. 1992, p.  80, note J.  Mestre  ; RTD  com. 1992, p.  186, obs. D.  Danet et C.  Champaud  ; RTD  com. 1992, p.  199, obs. Y. Reinhard ; Defrénois mai 1992, p. 578, note P. Le Cannu ; Rev. sociétés 1992, p. 497, note P. Didier ; Dr. sociétés 1992, comm. 13, note H.  Le  Nabasque  - Cass.  com., 7  févr. 1995, n°  93-14257, D  : RJDA 5/95 n°  584  ; D.  1996, p.  50, note R.  Blasselle  ; BJS mai 1995, p. 407, n° 138, note A. Couret - Cass. com., 17 oct. 1995, n° 93-20523, PB : BJS janv. 1996, p. 35, n° 6, note M. Jeantin ; RJDA 1/96 n° 70 ; RTD com. 1996, p. 316, obs. B. Bouloc - Cass. com., 18 févr. 1997, n° 95-12617 : Bull. civ., IV, n° 55 - Cass. com., 21 nov. 2000, n°  97-13891  - Cass.  com., 4  déc. 2001, n°  00-10926, D  - Cass. com., 26 mars 2002, n° 99-17716, F-D. 39 CA Versailles, 2 juin 1987 : JCP E 1988, II, 15168, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain. 40 CA Paris, 3e ch., sect. A, 26 sept. 1989 : BJS déc. 1989, p. 963, n° 333. 253

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