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Doctrine 1. L'existence d'un devoir général d'information 27. L'article 1129 consacre un devoir général d'information à la charge du vendeur : « celui des contractants qui connaît ou devrait connaître une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant  ». Dans sa rédaction actuelle, ce texte contient des formules ambiguës  : « devrait connaître une information », « fait confiance à son cocontractant  »... La jurisprudence jusqu'ici exigeait une certaine transparence, chaque négociateur étant tenu d'informer son partenaire de manière à ce que chacun intègre les contraintes ou exigences de l'autre 26. Les négociateurs devaient donner des informations exactes 27. La conduite des négociations devait être présidée par la loyauté. 28. Plus précisément, l'existence d'une obligation d'information repose sur trois exigences que la doctrine avait dégagées 28 et dont on trouve la traduction dans le texte nouveau : - le vendeur doit connaître ou être censé connaître les informations dont il est débiteur  : on retrouve cela dans la formule « qui connaît ou devrait connaître » ; - le vendeur connaît ou doit connaître l'importance de ces informations pour l'acheteur  : «  une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre » ; - l'acheteur ignore légitimement les informations  : «  dès lors que légitimement, ce dernier ignore cette information  ». Le texte ajoute le cas de figure dans lequel l'acheteur « fait confiance à son cocontractant ». Sur la connaissance légitime, on ne peut que renvoyer ici à la jurisprudence antérieure qui précise les contours de l'ignorance légitime : acheteurs profanes, acheteurs professionnels, etc. En outre, l'acheteur est en principe tenu de l'obligation de se renseigner. Toutefois, sur ce point, l'article 1138 reprend la jurisprudence qui décidait que l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable 29. Comme l'a relevé dans sa thèse notre collègue Marie Caffin-Moi, « Dire que la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée, c'est nier l'existence de l'obligation de se renseigner » 30. 26 Mémento Lefebvre Cession de parts et actions 2015-2016, n° 10.240. 27 Mémento Lefebvre Cession de parts et actions 2015-2016, n° 10.245. 28 D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, éd. Larcier, 2009, n° 37 et s. 29 Cass. com., 29 oct. 2003, n° 02-11592 : Dr. sociétés mars 2004, n° 36, note F.-G. Trébulle ; RJDA juill. 2004, n° 828 ; BJS janv. 2004, p. 113, n° 19, note T. Massart ; JCP E 2004, comm. 601, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker. 30 M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats, Thèse Paris II, 2007, p. 81. 252 29. L'article 1129 ajoute que «  le manquement au devoir d'information engage la responsabilité extracontractuelle de celui qui en était tenu. Lorsque ce manquement provoque un vice du consentement, le contrat peut être annulé ». On peut s'interroger sur la valeur réelle de cette disposition. Le rappel de la responsabilité extra-contractuelle semble a priori inutile car découlant du droit commun. En réalité, on peut se demander si les rédacteurs de l'ordonnance n'ont pas souhaité évacuer une querelle doctrinale qui est souvent plus vive à l'étranger que chez nous et qui repose sur l'existence discutée d'une culpa in contrahendo 31. Le débat n'est pas dépourvu d'intérêts pratiques. En considérant que la responsabilité repose sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et non sur l'article 1134, alinéa 3, on aboutit à deux conséquences 32 : - le comportement durant la période des négociations doit s'apprécier in abstracto au regard du comportement de l'homme normalement président et diligent placé dans les mêmes circonstances ; - la faute la plus légère suffit pour engager la responsabilité de son auteur. 30. Quant à l'affirmation que le contrat peut être annulé si le manquement a provoqué un vice du consentement, son utilité ne s'impose pas. On peut se demander au demeurant s'il n'y a pas une certaine redondance entre les textes. S'agissant plus particulièrement du dol, le texte nouveau prend expressément en compte la réticence dolosive  ; entre le manquement au devoir d'information et la réticence dolosive, l'espace est mince. 2. Les vices du consentement 31. Cette question des vices du consentement fait l'objet de nouvelles rédactions de textes susceptibles d'ouvrir des perspectives pour la pratique  : des éléments sont apportés sur le dol, l'erreur et la violence 33. Le nouvel article 1130 dispose que « l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ». Cette disposition n'appelle guère de développements sinon pour indiquer qu'aura toute probabilité d'être maintenue la solution énoncée par la chambre commerciale de la Cour de cassation selon laquelle le préjudice réparable d'un contractant, qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, correspond, non à la perte d'une chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une 31 V. D. Leclercq préc., n° 37 et s. 32 D. Leclercq préc., p. 56 et s. 33 Sur les difficultés dans le droit actuel pour faire jouer la théorie des vices du consentement, v. M. Caffin-Moi, thèse préc., p. 23 et s. Bulletin Joly Sociétés * Mai 2015

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