Revue - Bulletin Joly Sociétés n° 5-2015 - Article n° 113m8 - (Page 3)

Le projet de réforme du droit des obligations : incidences sur le régime des cessions de droits sociaux la jurisprudence. Et ce, d'autant que les clauses instituant un droit de préférence au profit de certains associés, en cas de cession de parts sociales ou d'actions, sont assez fréquentes. 11. L'article 1125, tel qu'il figure au sein du projet de réforme, définit le pacte de préférence de la manière suivante  : «  le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle se déciderait de contracter ». Mais l'intérêt du projet est ailleurs que dans le simple fait de donner une définition légale à ce mécanisme. Il est de rationaliser le mécanisme de sanction. 12. En effet, en l'état actuel de la jurisprudence, « si le bénéficiaire d'un pacte de préférence  est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir » 5. Ainsi, l'efficacité du pacte est subordonnée à la double démonstration, par le bénéficiaire, d'une part, de la connaissance par le tiers acquéreur de l'existence du pacte et, d'autre part, de l'intention du bénéficiaire de se prévaloir de ce pacte. Une grande majorité d'auteurs dénonce depuis plusieurs années l'inefficacité des pactes à laquelle a conduit cette jurisprudence car il est quasiment impossible de démontrer le second élément intentionnel chez le tiers. Le projet de réforme du droit des contrats (C.  civ., art. 1125, al. 2) paraît remédier à cette lacune ôtant au bénéficiaire la charge de cette preuve  : «  lorsque, en violation d'un pacte de préférence, un contrat a été conclu avec un tiers qui en connaissait l'existence, le bénéficiaire peut agir en nullité ou demander au juge de la substituer au tiers dans le contrat conclu. Le bénéficiaire peut également obtenir la réparation du préjudice subi ». Si ce texte était adopté en l'état, il suffirait donc au bénéficiaire de démontrer que le tiers a eu connaissance du pacte, ce qui allégerait la charge de la preuve qui pèse actuellement sur les titulaires de droits de préférence. 13. Mais, s'il est plus aisé, pour un bénéficiaire, d'obtenir la nullité d'un contrat passé en fraude de ses droits avec un tiers, corrélativement, tout contractant peut se trouver dans la situation du tiers et donc subir l'annulation de son contrat. Aussi le projet permet5 Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-19376 : Bull. civ., ch. mixte, n° 4 ; Bull. inf. C. cass. 1er août 2006, n° 645, M. Bailly, avis M. Sarcelet ; JCP G 2006, II, 10142, L. Leveneur ; JCP E 2006, 2378, P. Delebecque ; JCP G 2006, I, 176, F. Labarthe ; JCP N 2006, 1278, S. Piedelièvre ; Rev. sociétés 2006, p. 808, J.-F. Barbièri ; D. 2006, p. 1861, P.-Y. Gautier et D. Mainguy ; Gaz. Pal. 5 sept. 2006, n° 248, p. 11, F. Bérenger ; BJS août 2006, p. 1072, n° 218, H. Le Nabasque ; Defrénois 2006, art. 38433, n° 41, p. 1206, E. Savaux ; art. 38433, n° 46, p. 1233, R. Libchaber ; RDC 2006, p. 1080, D. Mazeaud ; p. 1131, F. CollartDutilleul ; RTD civ. 2006, p. 550, J. Mestre et B. Fages. Bulletin Joly Sociétés * Mai 2015 il à tout contractant qui «  présume l'existence d'un pacte de préférence » d'en « demander confirmation par écrit au bénéficiaire dans un délai raisonnable  » (C. civ., art. 1125, al. 3). Le mécanisme envisagé assujettit, en outre, le bénéficiaire à une obligation de réponse, afin que celui-ci ne puisse, par son abstention, se réserver la possibilité de demander l'annulation du contrat par la suite. Le dernier alinéa du texte prévoit, en effet, que « cet écrit mentionne en termes apparents qu'à défaut de réponse, le bénéficiaire du pacte de préférence ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers, ni la nullité du contrat (...) ». Ce système semble avoir recherché un certain équilibre entre les droits et obligations respectifs du tiers et du bénéficiaire. Néanmoins, in fine, le quatrième alinéa du texte prévoit que, même s'il s'abstient de répondre au tiers, le bénéficiaire pourra solliciter ultérieurement l'annulation du contrat conclu avec celui-ci si le pacte de préférence contient « une clause de confidentialité ». Il s'ensuit, semble-t-il, une incertitude prononcée pour le tiers. En effet, celui-ci sollicitera probablement de manière systématique la confirmation de l'existence d'un pacte dans les opérations qui sont susceptibles d'en contenir un. Ainsi en ira-t-il probablement en cas d'acquisition de parts sociales ou d'actions ; l'acquéreur aura vraisemblablement intérêt à faire usage du droit de « purge » institué par l'alinéa 3, c'est-à-dire de demander à chaque coassocié s'il est ou non bénéficiaire d'un pacte de préférence. 14. En cas de réponse positive, le tiers sera considéré comme connaissant l'existence du pacte, ce qui permettra au bénéficiaire d'agir en nullité ou de demander au juge sa substitution. En cas de réponse négative, le tiers se trouvera dans une situation confortable puisqu'il pourra librement conclure l'acquisition. 15. Mais, en cas d'absence de réponse, le tiers se trouvera dans une situation particulièrement incommodante. En effet, l'absence de réponse pourra laisser penser au tiers qu'il n'encourt aucun risque de nullité puisqu'en application de l'alinéa 4, le bénéficiaire négligent est privé de son droit d'agir en nullité ou de demander la substitution. Néanmoins, l'absence de réponse pourrait avoir pour cause l'existence d'une clause de confidentialité insérée dans le pacte de préférence lui-même. Et, le cas échéant, le bénéficiaire conserverait toute latitude pour agir, par la suite, en nullité ou demander sa substitution. À défaut de réponse, le tiers est donc nécessairement placé en situation d'inconfort car il ne peut conclure librement le contrat escompté. Sauf à considérer que le défaut de réponse démontre, justement, que le tiers ne pouvait pas avoir connaissance de l'existence du pacte, argument qui priverait, alors, le bénéficiaire de toute possibilité de remettre en cause le contrat conclu. 249

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