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Doctrine 2. La réduction du prix 45. L'article 1223 du projet d'ordonnance introduit dans le Code civil un mécanisme de réfaction unilatérale du contrat, en prévoyant que «  le créancier peut accepter une exécution imparfaite du contrat et réduire proportionnellement le prix  ». En présence d'une vente, le créancier ne peut être que l'acheteur. C'est alors le défaut de conformité de la chose qui lui permettrait, unilatéralement, de réviser le prix à la baisse. Ce faisant, l'article 1223 généralise un mécanisme qui, jusqu'alors, existait certes en droit positif mais porté par des textes épars 52 ou réservé par la jurisprudence - sous le contrôle a priori du juge donc - à la seule hypothèse de la vente commerciale de marchandises 53. Mais si la chose vendue est une part sociale ou une action, il ne paraît guère envisageable d'invoquer un défaut de conformité ou même un vice caché, du moins en l'état actuel de la jurisprudence 54. Aussi, nous semble-t-il, cette disposition nouvelle n'a pas vocation à jouer à l'égard d'un contrat de cession de parts sociales ou d'actions, même si le jeu des garanties, légales ou conventionnelles, aboutira in fine au même résultat. 3. La résolution unilatérale 46. En intégrant au Code civil une possibilité de résolution unilatérale du contrat, indépendamment de l'application d'une clause résolutoire, le projet d'ordonnance consacre là encore, en la généralisant, une solution jurisprudentielle 55. Les articles  1224 et  1226 en reprennent même les conditions tant substantielles (nécessité d'une inexécution suffisamment grave) que formelles (nécessité d'une mise en demeure) et les modalités (la résolution s'opère aux risques et périls de son initiateur). En matière de vente, et singulièrement de cession de parts 52 53 54 55 256 notamment à l'hypothèse d'un changement radical de circonstances après la conclusion du contrat, lorsque l'exécution, bien qu'encore possible, sera devenue tellement onéreuse qu'il serait contraire au principe général de bonne foi de l'imposer. V. en matière de vente internationale de marchandises, Convention de Vienne, art. 50, qui vise l'hypothèse du « défaut de conformité des marchandises au contrat, que le prix ait été ou non déjà payé ». V. refusant en particulier de faire jouer la réfaction en présence d'une vente d'immeuble, Cass. 3e civ., 29 janv. 2003, n° 01-02759 : Bull. civ., III, n° 23. Cass. com., 12 déc. 1995, n° 93-21304 : BJS mars 1996, p. 200, n° 65, note A. Couret ; RJDA, 3/96, n° 326. Dans le même sens : Cass. com., 4 juin 1996, n° 94-13047, Sté SEFRI c/ Guérin et autres : BJS nov. 1996, p. 926, n° 11, note A. Couret. V. aussi A. Couret et D. Ledouble, La maîtrise des risques dans les cessions d'actions, GLN Joly, 1994, coll. Pratique des affaires. Pour une synthèse récente, v. égal. B. Dondero, « Les relations entre les garanties contractuelles et les garanties légales pesant sur le cédant de droits sociaux » : Gaz. Pal. 22 déc. 2012, p. 12. Courant inauguré par Cass. 1re civ., 13 oct. 1998, n° 96-21485 : Bull. civ., I, n° 300 (contrat de prestation de services au sein d'une clinique), puis prolongé notamment par Cass. com., 10 févr. 2009, n° 08-12415, F-D : RDC 2010, p. 44, note, T. Genicon, pour un contrat de location et l'entretien d'équipements textiles ; plus récemment, Cass. com., 1er oct. 2013, n° 12-20830, F-D (contrat de construction). sociales ou d'actions, il ne semble pas que la règle nouvelle soit de nature à constituer une rupture majeure. En effet, le droit spécial de la vente organise déjà la résolution du contrat soit au bénéfice du cessionnaire en cas de manquement du cédant à son obligation de « délivrance dans le temps convenu entre les parties » (C. civ., art. 1610), soit au bénéfice du cédant lorsque le cessionnaire ne paye pas (C. civ., art. 1654 et 1657). Au surplus, la possibilité de résolution unilatérale paraît mieux ajustée aux conventions à exécution successive qu'à la figure de la vente. Même dans l'hypothèse où la cession des titres s'accompagne d'une clause d'earn out, il n'est pas certain que ni le cédant, ni le cessionnaire trouverait intérêt à faire jouer le mécanisme. L'un et l'autre, souhaitant résoudre le contrat pour inexécution, auraient nécessairement à passer devant le juge pour se voir restituer les fonds ou les titres. C. L'intervention du juge dans le contrat 47. Plusieurs voies d'accès ont été aménagées pour permettre au juge de se glisser dans le contrat, parfois même pour le refaire en partie. En particulier, on a déjà indiqué (supra, n° 25) qu'une des modifications les plus notables portées par le projet d'ordonnance et qui a donné lieu - et continuera de donner lieu - à de savantes et passionnées controverses concerne la disparition de la cause, comme condition essentielle de validité du contrat. Mais la notion réapparaît, sous des traits à peine déguisés, comme critère d'efficacité du contrat dans son ensemble (C. civ., art.  1167  : nullité du contrat à titre onéreux dont la contrepartie convenue est, au moment de sa formation, illusoire ou dérisoire) ou comme référence autorisant à neutraliser certaines stipulations (C. civ., art. 1168 réputant non écrite toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur ; C. civ., art. 1169 habilitant le juge à « supprimer » une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties). 48. Ces innovations, dont certaines se bornent à entériner des avancées jurisprudentielles bien connues, auront sans doute peu d'impact sur les opérations ici étudiées. Là encore, le droit commun de la vente et son caractère instantané évinceront très certainement le jeu de telles règles. L'exigence d'un prix réel et sérieux a conduit la jurisprudence, sans attendre l'introduction éventuelle de l'article 1167 précité dans le Code civil, à mesurer l'équivalence entre le prix stipulé, fût-il facialement dérisoire, et la valeur économique des titres vendus 56. 56 Cass. com., 3 janv. 1985, n° 83-15520 : Bull. civ., IV, n° 8. Sur cette question, v. P. Etain, « Le prix réel et sérieux », in Détermination du Bulletin Joly Sociétés * Mai 2015

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