Guide pratique - Règles et pratiques du droit français de l'arbitrage -1 - (Page 119)

ART. 1448 101 Une clause « manifestement » nulle ou inapplicable. – La vraie problematique ´ reside dans la presence de l’adverbe « manifestement » que l’on retrouve a l’article 1455 ´ ´ ` (autorisant la non-designation d’arbitre) et qui rappelle la notion de « trouble manifeste´ ment illicite » dans la definition de la competence du juge des referes donnee par l’article ´ ´ ´´ ´ ´ 809 du Code de procedure civile ; le parallele n’est pas incongru puisque, dans un cas, on ´ ` encourage le juge des referes a repousser a l’extreme les limites de sa competence et, ´´ ´ ` ` ˆ ´ dans l’autre cas, on incite le juge étatique a ne pas l’exclure au profit de celle du tribunal ` arbitral. La reaffirmation du principe de competence-competence du tribunal arbitral (art. 1465) ´ ´ ´ impose que l’appreciation de la nullite ou de l’inapplicabilite soit stricte pour lui permet´ ´ ´ tre, avec une priorite chronologique et sous le controle du juge de l’annulation, de statuer ´ ˆ sur sa competence, avec, naturellement, pour effet direct, s’il se declare incompetent, de ´ ´ ´ rendre competente la juridiction etatique. C’est dans cet esprit que s’est developpee la ´ ´ ´ ´ jurisprudence autour de l’ancien article 1458, dont on imagine qu’elle s’appliquera au nouvel article 1448377. Le debat sur le degre de controle de l’inapplicabilite manifeste de la clause compromis´ ´ ˆ ´ soire est nourri. Cette exception au principe de competence-competence, qui est ´ ´ recente378, est en effet d’un usage delicat puisqu’elle exige du juge qu’il ne se prononce ´ ´ pas seulement sur la validite de la clause de maniere objective, dans un vacuum, mais ´ ` qu’il determine si celle-ci trouve a s’appliquer dans un contexte particulier. Cet examen ´ ` suggere donc de se prononcer, a tout le moins prima facie, sur les contours de la clause ` ` afin de determiner son applicabilite quant aux personnes et quant a la matiere qu’elle ´ ´ ` ` ` ´ couvre. A defaut d’un tel examen, le concept meme d’inapplicabilite de la clause se trouˆ ´ verait, en effet, vide de sa substance. Cet exercice se revele cependant difficile dans la ´ ´ ` mesure ou le juge doit se garder d’empieter, dans le cadre de cet examen preliminaire, ´ ´ ` sur la competence prioritaire de l’arbitre379. ´ Les juridictions etatiques doivent apprecier les conditions de mise en œuvre de l’article ´ ´ 1448 en s’inspirant du respect de la volonte des parties qui ont entendu recourir a l’arbi´ ` trage et donc ne retiennent que les nullites ou les inapplicabilites evidentes, manifestes, ´ ´ ´ non ambigues se revelant prima facie, a un simple examen superficiel (ce qui suppose un ´ ´ ` ¨ examen n’est pas manifeste)380. En effet, la jurisprudence ne considère une clause compromissoire comme étant « manifestement » nulle ou inapplicable que dans des cas exceptionnels et pathologiques au terme d’« un contrôle prima facie de l’existence et de la validité de la convention d’arbitrage »381. 377. O. Cachard, « Le controle de la nullite ou de l’inapplicabilite manifeste de la clause compromissoire », Rev. arb. ´ ´ ˆ 2006.894 ; J. Ortscheidt, « Inapplicabilite manifeste de la clause d’arbitrage et procedure collective », Cah. arb. 2010, no 2, ´ ´ p. 639 ; et la jurisprudence analysee dans les chroniques d’E. Loquin, RTD com. 2006.763 et Y. Strickler, Rev. arb. 2011.191. ´ 378. Cass. civ. 1re, 16 oct. 2001, Rev. arb. 2002.919, note D. Cohen. 379. O. Cachard, « Le controle de la nullite ou de l’inapplicabilite manifeste de la clause compromissoire », Rev. arb. ´ ´ ˆ 2006.893, en particulier p. 898. ´ 380. V., par ex., Cass. civ. 1re, 11 fevr. 2009, Rev. arb. 2009.155, obs. F.-X. Train. 381. Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, para. 672. 103

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