Cultures marines n°286 - (Page 6)

événement Actualité Pour quelqu'un d'extérieur au milieu, Philippe Vannier a semblet-il été frappé par la tension qui régit les liens entre les différents maillons de la filière conchylicole au sens large. « Les relations entre certains responsables de l'Ifremer et le CNC peuvent être qualifiées d'exécrables », peut-on par exemple lire dans le rapport de mission. Ou encore : « L'exclusion ou l'opposition systématique entre les ostréiculteurs (du moins leurs représentants) et les écloseurs est totalement contre-productive et cristallise des conflits qui bloquent toute évolution de la filière. » « Les conflits actuels, l'opposition systématique de certaines catégories professionnelles, certaines postures professionnelles, certains modes de fonctionnement institutionnels compromettent à terme la survie de cette filière », insiste Philippe Vannier. Le vétérinaire estime que les raisons de cette situation sont « difficiles à identifier » car sans doute multiples mais que celleci résulte « probablement de l'absence d'interface technique à l'échelon national entre le terrain et la recherche, de certains modes de fonctionnement et de communication de l'Ifremer, mais aussi du comportement de certains responsables professionnels ». Concernant la « crispation » des professionnels vis-à-vis de l'administration et des écloseurs, Philippe Vannier pense qu'elle est en partie liée à « l'absence d'étude d'impact de la diffusion mas- Bertrand Tardiveau Un climat particulièrement tendu Améliorer les relations entre les différents acteurs (professionnels, scientifiques, administration...) : un enjeu important pour le secteur. sive de triploïdes dans le milieu naturel, mais aussi des méthodes d'obtention des modifications génétiques de l'huître ». Un coordinateur national Dans le but d'assainir toutes ces relations et de « permettre de véritables progrès techniques au sein de la filière », il imagine la création d'un centre technique national. Proposition qui pourrait bientôt voir le jour puisque l'interprofession a voté le financement d'une étude de faisabilité lors de son dernier conseil au mois de janvier. f Une mission de six mois C'est à la demande du directeur général de l'Alimentation, Patrick Dehaumont, que Philippe Vannier s'est penché sur la surveillance et l'agrément zoosanitaire en conchyliculture. Pendant plusieurs mois, fin 2014, Philippe Vannier a ainsi interrogé les différents acteurs de la filière, les professionnels, les centres techniques, les chercheurs, les administrations. Son objectif était triple. Il devait d'abord expliquer les difficultés à faire progresser la connaissance relative aux mortalités des huîtres et des moules. Sa mission avait aussi pour objectif d'identifier plus clairement les attentes des professionnels vis-à-vis de la recherche et de la surveillance de l'État. Enfin, le but était d'identifier les réponses que l'État pouvait apporter à la filière. Tout un programme ! À remplir en six mois. Ce qui a semblé « largement » suffisant à Philippe Vannier : « Je devais rendre mon rapport le 1er novembre 2014 et je l'ai remis début septembre. » M. L.-L. 6 Cultures MARINES n°286 - mai 2015 P h i l i p p e Va n n i e r p r o p o s e également de « faire évoluer les modes de fonctionnement et de communication » de l'Ifremer et les « relations entre les agents de la DGAL en charge des dossiers zoosanitaires et le laboratoire national de référence ». Il recommande par ailleurs la création d'une structure « formelle mais souple » au sein de l'Ifremer qui permette des échanges entre les professionnels et les scientifiques. Il préconise de plus la « publication en français sous la forme d'un rapport de tous les résultats des études d'impact de la mise en place massive des triploïdes dans le milieu naturel et/ou la réalisation d'un audit indépendant sur ce sujet ». Enfin, il propose de nommer un coordinateur national de la filière conchylicole pour une période d'au moins 5 années, afin d'assurer une réelle continuité du suivi, à l'image de ce qui a été fait en apiculture. « Ce coordinateur doit avoir un réel mandat et pouvoir de coordination et doit donc être nommé par les trois ministres des ministères concernés. Sinon cela ne fonctionnera pas », prévient l'expert. Ce coordinateur s'appuierait sur un comité national de coordination de la conchyliculture assisté d'un comité scientifique et technique qui rassemblerait tous les acteurs y compris les collectivités territoriales et qui fonctionnerait sur le modèle du centre de référence sur l'huître mis en place en Normandie en 2010 « mais en y incluant les écloseurs ». Filière d'excellence Selon Philippe Vannier, l'ostréiculture a beaucoup d'atouts. C'est « une filière d'excellence comme l'atteste le niveau de production nationale en comparaison aux autres pays. Les ostréiculteurs connaissent leur métier, les écloseurs ont mis en place des outils performants, la recherche conduite notamment à l'Ifremer, mais aussi à l'université de Caen et au laboratoire Frank Duncombe, est de qualité et reconnue ». Pourtant, ce climat de tension est nuisible. Philippe Vannier, qui connaît d'autres filières, a « rencontré des situations analogues qui sont très préjudiciables à toutes les filières qui n'ont pas su se structurer collectivement avec une implication dans la recherche. Cela explique, en partie bien sûr, les différences de force commerciale de certaines filières dans des pays comme le Danemark et les Pays-Bas ». M. L.-L.

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